Fête de la Science 2013 : Jour 5

Mosaïques : DossiersScience

dimanche 13 octobre 2013

Dernier jour de la fête de la science, je me sens raplapla et je suis bien fatigué. Malade depuis bien deux semaines déjà, la guérison tarde à se manifester. Je renonce donc à parcourir la région de Lyon par monts et par vaux. Je propose alors de revenir sur la soirée-débat de jeudi dernier, plus précisément sur l’implant cochléaire.

Pour ceux qui ne connaissent pas, cette technologie de récupération auditive est composée de deux parties. Une externe, le microphone (1) qui capte les sons et les transforme en signaux électriques. Ceux-ci sont transmis jusqu’à l’émetteur (2) posé à même la peau, près de l’oreille. Les signaux sont ensuite communiqués vers la partie interne, de l’émetteur vers le récepteur situé sous la peau. Ces deux éléments sont aimantés, ce qui permet le maintien de l’émetteur sur la peau. Les signaux continuent à être acheminé du récepteur vers la cochlée (3) via un fil électrique dont l’extrémité est enroulée dans la cochlée et sur lequel sont placées des électrodes. Ces dernières activent le nerf auditif (4) qui transmet les informations vers le cerveau.

Schéma d’un implant cochléaire présent dans l’oreille

[Source image]

Ouf, dis comme ça, c’est assez complexe. En fait, il s’agit davantage de neuroprothèses auditives que de « simples » amplificateurs. Le cerveau doit travailler pour reconnaître les sons car il n’y a qu’une vingtaine d’électrodes (pour les dernières générations) contre des milliers de cellules ciliées dans la cochlée. Quelles sont les conséquences au niveau du cerveau ? C’est ce qu’étudie l’équipe de recherche de Pascal Barone (CNRS / Université Toulouse III) via l’imagerie cérébrale.

Je ne vais pas expliquer en détail les résultats qui le sont déjà sur cette page du CNRS : Vicariance sensorielle, plasticité cérébrale et implant cochléaire. En gros, des interactions se mettent en place entre les aires auditives et les aires visuelles lors de la compréhension de la parole. Celle-ci passe par l’audition via l’implant cochléaire mais aussi par la lecture labiale via la vue. Donc contrairement à ce qui été largement diffusé dans le milieu spécialisé, il est essentiel de travailler aussi bien l’audition que la lecture labiale chez les personnes implantées, quel que soit leur âge.

Coordination entre les aires visuelles et auditives

[Source image]

J’ai trouvé ces informations intéressantes et ça m’a fait plaisir de voir confirmé par une démarche scientifique ce que je savais déjà empiriquement. A savoir l’importance de pas négliger le travail visuel dans la compréhension chez les personnes sourdes, qu’elles soient appareillées ou implantées car, dans de nombreux cas, c’est l’inverse. Un peu comme si une personne aveugle devait travailler sa vue et non son audition pour se retrouver dans l’espace. Une aberration sans nom…

Mais au-delà de l’aspect scientifique, je me suis surtout penché sur le débat qui s’est ensuit. Devant moi, se trouvait le chercheur, Pascal Barone, et les interprètes en LSF à proximité pour traduire ses propos. Derrière moi, étaient placé des personnes sourdes implantées et d’autres qui s’expriment par la LSF. Ces derniers sont porteurs d’une forte culture et le font savoir.

Or, parmi la communauté des sourds signeurs, l’implant cochléaire est très mal vu car elle est accusé de favoriser l’enseignement du français oral au détriment de la LSF, entre-autre. Pour comprendre leur point de vue, il faudrait se pencher sur l’histoire des sourds en France, ce qui n’est pas possible ici. Je savais que le sujet serait casse-gueule et les réactions ne m’ont pas déçu. Ils sont demandé au chercheur des statistiques précis sur le taux d’échec et le nombre d’implantations en France. D’autres questions du même type ont suivi.

Pascal Barone n’a pas été en mesure de répondre car il s’intéresse uniquement à la plasticité cérébrale et ce qui peut se passer à ce niveau chez les personnes implantées. Un argument revenait souvent : Je ne suis qu’un chercheur. Il s’est retrouvé face à l’hostilité des sourds signeurs. Pendant ce temps, le public suivait le débat. Certains ont posé la question de la « réparation » à tout prix dans notre société et donc de la place du handicap parmi nous. D’autres ont manifesté leur incompréhension de ne pas vouloir entendre si la situation se présentait.

Nous avions donc la confrontation de trois points de vue. Celui du chercheur qui fait des découvertes dans un champ de domaine précis. Celui des sourds signeurs qui subissent de plein fouet, en bien ou en mal, les conséquences des découvertes. Et enfin, celui du public qui ne connaît pas forcément la surdité. Ceci est un exemple vivant de la relation entre science et société. Pascal Barone s’est retranché derrière l’argument du chercheur mais est-ce suffisant ? D’autres exemples tels que les OGM ou les nanotechnologies montrent bien qu’il est difficile de rester neutre et de se cantonner dans son laboratoire.

En gros, faut-il faire abstraction des questions éthiques pendant son projet de recherche ou faut-il les inclure dès le départ ? Avant le thème de l’implant cochléaire, un autre chercheur a présenté les perspectives thérapeutiques suscitées par les cellules souches dans le traitement de la maladie de Parkinson. Ces cellules sont prélevées sur un embryon, ce qui soulève des questions éthiques sur le statut d’humain et sa marchandise éventuelle. Cette situation durait jusqu’à la découverte des cellules souches issues d’un adulte et qui peuvent le soigner. Ce qui permet de contourner les obstacles précédents.

Ce qui m’a frappé, c’est que le premier chercheur a englobé les questions éthiques dans sa démarche tandis que le deuxième s’est retranché derrière son statut de chercheur. Qui a raison et qui a tort ? Je n’ai pas de réponse. Après tout, il est difficile de se mettre à leur place. Cependant, il me semble qu’il devient de plus en plus difficile d’ignorer l’impact que peut avoir ses recherches. Que faire dans ce cas ? Peut-être as-tu une réponse ? Oui toi, lectrice, lecteur, as-tu un avis dessus ?

Dossier « Fête de la Science 2013 »
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