Les enfants, les adultes et la science

Mosaïques : CogitationsScience

vendredi 1 mai 2015

A la question « que fais-tu dans la vie ? », je réponds : « Je suis animateur scientifique ». Un silence s’ensuit généralement. En gros, mon boulot est de faire découvrir la science aux enfants (et aux adultes qui les accompagnent). Plus précisément, de les initier à la démarche expérimentale. De nombreux débats sur la fameuse démarche scientifique ont déjà eu lieu mais elle peut être résumée en trois étapes : l’observation, l’élaboration d’hypothèses et le test des hypothèses.

Observer nécessite d’utiliser les cinq sens, quoique l’odorat et le goût peuvent être risqués face à des produits toxiques. L’hypothèse est la formulation d’une idée dont nous ne sommes pas sûr si elle est vraie ou pas. D’où la nécessité de tester cette idée en varier un ou plusieurs paramètres. Dans l’idéal, la démarche expérimentale passe par ces trois étapes qui se répètent sous forme de cycle. C’est ce que j’apprends aux enfants via une petite introduction.

Schéma linéaire de la démarche expérimentale

Cependant, cette démarche révèle bien d’un idéal que les enfants ont du mal à appliquer et les scientifiques aussi, y compris moi. Notre esprit est plutôt doué pour partir dans tous les sens et sauter d’une idée à l’autre via des chemins de traverse. Les trois éléments de la démarche expérimentale sont en fait difficiles à déparer. Ils fonctionnent plutôt comme un système avec des interactions multiples et des feed-backs.

Schéma multiple de la démarche expérimentale
[Source image]

C’est ce que je constate en faisant les expériences avec les enfants et ce n’est pas grave. L’essentiel est d’avoir bien les trois étapes en tête et de savoir y revenir au bon moment en posant des questions à l’enfant. Plus simple à dire qu’à faire mais c’est ce qui fait son grain de sel. Le principe, dans tous les cas, est de laisser l’enfant expérimenter au maximum, quitte à être maladroit et à faire des erreurs. C’est le meilleur moyen de progresser, à condition qu’il ait conscience de s’être trompé à un moment donné, de revenir dessus et de repartir vers des nouvelles directions.

Or, cette démarche est malheureusement peu diffusée en France et cela se ressent parmi les adultes qui accompagnent les enfants, qu’ils soient parents, enseignants ou animateurs de centre de loisir. Les adultes « savent » et « expliquent » aux enfants ce qu’il faut faire. Ils « imposent » leurs idées et « attendent » des réponses précises. Aucune liberté d’expérimenter et de prospecter vers des chemins de traverses, fussent-ils des impasses. Du coup, mon boulot est de gérer aussi les adultes pour qu’ils laissent plus de liberté aux enfants et qu’ils sachent participer avec eux sans s’imposer. Plus facile à dire qu’à faire encore une fois : question d’ego. C’est pourquoi je précise de temps en temps : « nous cherchons à comprendre, pas à savoir qui a raison ».

Heureusement qu’il existe de nombreux adultes ouverts qui sont prêts et partant à intégrer cette démarche expérimentale et le revers de la médaille est de tellement participer que l’enfant ne peut plus rien faire. Tout est question d’équilibre et les habitudes ont la vie dure, y compris dans certaines de mes animations où je me rends compte que je suis trop insistant. Parce que je veux qu’ils aillent plus vite, parce que j’ai envie de partager ce que je sais ou je ne sais quoi encore.

Pour finir, j’ai constaté souvent une tendance aussi bien présente chez les enfants que les adultes : la peur de se tromper. Et de là, la crainte d’une sanction, d’un jugement négatif ou d’une moquerie. Cette peur paralyse et ôte toute action. Mon boulot consiste alors à désamorcer leur crainte, à leur montrer que tromper est possible et même souhaitable, que moi même je ne sais pas tout. Que parfois (et même souvent), nous trouvons un truc qui marche. C’est bancal, pas toujours efficace mais ça marche. Où est l’erreur dans ce cas là ?

Alors oui, être animateur scientifique n’est pas de tout repos. Il faut allier connaissances scientifiques, pédagogie et un brin de psychologie. Si la science ne me fait pas peur, bien au contraire, ce sont les humains qui me déstabilisent parfois. Leurs réactions positives ou négatives, la gestion des groupes faciles ou difficiles, les contraintes du cadre (scolaire, familial…), etc. C’est de ce coté que j’ai encore beaucoup à apprendre et c’est ce qui est malheureusement très peu abordé en science alors qu’ils sont la base de toute forme de partage du savoir scientifique. C’est un vrai challenge qui m’enrichit tout autant que j’espère transmettre un brin de démarche expérimentale aux enfants (et aux adultes !).

Une fille ébahie tient une éprouvette de toutes es couleurs
[Source image]

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2 Pierrot ont pris leur plume. Et toi ?

  1. Aurore

    Très intéressant comme réflexion. Je me demandais quel âge avait les enfants de vos animations? Y a-t-il tout de même une « base de connaissances » à maîtriser pour les enfants, ou bien la démarche expérimentale est-elle accessible vraiment à tout âge?

    mardi 12 mai 2015 à 13 h 57 min
  2. Sirtin

    En général, ce sont des enfants de l’école primaire mais je peux intervenir aussi bien plus tôt (en maternelle) que plus tard (collège et lycée). Du coup, cela répond à votre question : la démarche expérimentale est accessible à tous les âges.

    Après tout, comment ont fait les premiers découvreurs et les précurseurs face à un domaine non encore débroussaillé ? C’est là que le savoir se construit petit à petit.

    vendredi 15 mai 2015 à 13 h 29 min

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