Interview de Stéphane Glacet – Partie 2/2

Mosaïques : En vracMôa ! Et vous...

jeudi 19 juin 2014

Tu as aimé le livre Les Classiques, Contes et Merveilles du maître d’école ? Tu es désireux d’en savoir plus sur les coulisses ? Ça tombe bien car le maître d’école, alias Stéphane Glacet, a accepté de répondre à mes questions. Si ce n’était déjà fait, commence par la première partie de l’interview.

Combien de temps pour réaliser l’ouvrage ?

C’est très difficile à évaluer parce que ce n’est pas du temps continu. Si j’y inclus l’accompagnement pédagogique – de très loin la plus grosse partie du travail pour moi – et que je tente de regrouper toutes les heures consacrées au « produit » dans sa globalité, y compris la construction du site internet en appui de l’ouvrage, cela pourrait peut-être représenter l’équivalent d’une année de travail à 35 heures par semaine. Un an s’est écoulé entre la création administrative de l’entreprise et la livraison du livre par l’imprimeur.

Une morale est présente après chaque conte de Perrault. C’est lui qui les a écrites ? Car je ne les avais jamais lues jusqu’à maintenant.

Oui, c’est bien Perrault qui a écrit ces morales. Si tu ne les as jamais vues, c’est que les éditeurs des versions que tu as lues n’avaient pas jugé bon de les inclure dans leur ouvrage. Après l’étude de La Barbe bleue (collection Bibliobus de Hachette) avec ma classe de CM1 et CM2 des années 2005 et 2006, j’avais appris aux élèves qu’il y avait, dans la version originale de Perrault, une morale qui ne figurait pas dans leur livre. Nous l’avions étudiée ensemble, et certains élèves qui avaient compris tout son intérêt, s’étaient demandé pourquoi Hachette ne l’avait pas reproduite. Comme je ne connaissais pas la réponse, nous avions écrit au directeur de la collection pour lui poser la question… Nous attendons encore la réponse !

Il est vrai que ces morales sont écrites dans un style très difficilement accessible aux élèves. Néanmoins, par définition, en classe, il y a un maître ou une maîtresse qui est là, et dont le rôle est d’élever les enfants, les élèves, qu’on lui confie. Cette élévation suppose la confrontation à une difficulté : on ne progresse pas à la fréquentation de ce qu’on a déjà vu, lu, entendu, connu cent fois par le passé, à répéter inlassablement l’acquis, mais au contact de la nouveauté, d’une difficulté surmontable, soit seul, soit avec de l’aide. Or ces morales sont tout à fait centrales dans les contes de Perrault : elles seules justifient l’écriture de ses contes. Il ne s’agissait pas pour Perrault de raconter des histoires aux petits enfants, mais de briller dans les salons versaillais et parisiens de l’aristocratie de l’époque, où la mode était au récit ou à la lecture à haute voix de contes et de fables, que l’exigeant et raffiné public des belles dames et beaux messieurs appréciait avant tout par les traits d’esprit que révélaient leurs morales. Alors un conte de Perrault sans sa morale, ce serait un peu comme une histoire drôle sans sa chute.

Imaginerait-on un instant une fable de La Fontaine sans sa morale ? Les fables de La Fontaine sont-elles plus simples à comprendre pour un enfant de 9 ans qu’une morale de Perrault ? Absolument pas, elles leur sont totalement inaccessibles sans un fort guidage magistral. Songez un instant à ce seul et célébrissime extrait, par exemple : Si votre ramage se rapporte à votre plumage, vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois ! C’est pourquoi, malgré leur difficulté d’accès aux enfants de 8 à 11 ans – surmontables puisqu’il y a un professeur à leurs côtés – il me paraissait impensable de ne pas faire figurer ces morales.

Pourquoi le conte du Chaperon rouge apparaît-il deux fois ?

C’est un des points forts de cet ouvrage. Il n’y a rien de tel que la comparaison entre ces deux versions du Petit Chaperon rouge pour faire comprendre aux élèves la différence entre un conte et une autre œuvre de fiction, nouvelle ou roman par exemple. Un conte, ce n’est pas une histoire qui commence par Il était une fois, comme on l’a trop souvent dit, par erreur (Comme il faisait froid ! la neige tombait et la nuit n’était pas loin…), ni une histoire de princes et de princesses qui se marient et ont de nombreux enfants (Le petit chaperon rouge, La dame Hiver, Le loup et les sept chevreaux, Le pêcheur et sa femme, etc). Il n’y a pas forcément des animaux qui parlent, pas forcément de magie…

Un conte est une histoire qui vient de la tradition orale, une histoire qu’on racontait à la veillée ou en d’autres occasions festives, une histoire sortie tout droit de l’imagination de nos ancêtres paysans, qui, de par sa diffusion de bouche à oreille, pouvait connaître de multiples versions, à la différence du roman ou de la nouvelle, œuvre unique d’un écrivain unique.

Comment mieux le comprendre qu’avec ces deux histoires, ayant le même titre, les mêmes personnages centraux, les mêmes situations initiales, mais des déroulements, et surtout des dénouements, diamétralement opposés : l’une se termine abominablement par la mort de la petite fille et de sa grand-mère, dévorées vivantes par une bête féroce, l’autre, par le sauvetage de la grand-mère et de sa petite fille et la mort du loup. L’une nous enseigne que les jeunes filles doivent se méfier des beaux parleurs, l’autre qu’il faut bien obéir à ses parents. C’est l’occasion aussi de montrer comme, à partir des mêmes personnages et mêmes situations initiales, on peut inventer des histoires différentes, imaginer d’autres versions encore, créer des pastiches : d’innombrables exploitations en vue d’activités de rédactions s’offrent en perspective.

Qu’est-ce qui rend possible le faible prix du livre ?

La volonté d’offrir le prix le plus faible possible : un très gros tirage (20 000 exemplaires), une très faible marge, le pari (pour l’instant aventureux) d’une diffusion directe sans réseau commercial à rémunérer.

Je vois « Volume I ». Une suite est donc prévue et sur quel thème ?

Une suite était envisagée, en cas de succès de ce premier volume. Toujours sur le thème des contes. Après les Classiques, j’aurais bien vu un regroupement par zones géographiques : contes d’Afrique, contes d’Amérique, par exemple.

Comment avoir choisi l’illustrateur et pourquoi lui ?

Totalement étranger au monde de l’édition, je n’y avais aucune connaissance, aucun relais. J’ai cherché des illustrations qui me plairaient, dans les livres de bibliothèques, sur les étals des librairies, et surtout sur internet, où de plus en plus d’illustrateurs exposent leurs travaux. J’ai été impressionné par le foisonnement. Cependant, très vite, j’ai repéré les travaux de Vincent, et ensuite, c’est toujours à eux que je comparais les trouvailles que je pouvais faire ici ou là. Au bout de quelques jours de recherche, j’ai arrêté mon choix à Vincent. Pourquoi ? Par goût, tout simplement. Ses illustrations me plaisent plus que toutes les autres. À tel point, que lorsque je me suis décidé à le contacter, je n’avais pas de « plan B », au cas où mon projet ne l’intéresserait pas.

Sa technique particulière de dessin et peinture « à la main », « à l’ancienne », de plus en plus rare je crois, son tracé très net, précis et sûr, l’emploi de couleurs claires, vives, contrastées, notamment dans ses illustrations pour la littérature de jeunesse, le distinguent très nettement des autres à mes yeux. Il m’a écrit plus tard que ses illustrations plaisent aux enfants, et d’après les retours que j’ai des collègues ayant acquis une série de livres, je certifie que c’est bien le cas.

J’ajoute que la lecture des articles publiés sur son blog et le visionnage des quelques vidéos où il apparaît m’avaient très favorablement influencé. Il me semblait que j’avais affaire à « quelqu’un de bien », quelqu’un de foncièrement honnête, intègre même, quelqu’un qui malgré son très grand talent et sa superbe réussite, sa notoriété, son aura auprès d’un fidèle et fervent public d’admirateurs, ne se la raconte pas, reste fondamentalement gentil, modeste, et même humble. Et puis encore, quelqu’un de très intelligent, lucide, fin et sensible observateur, calme, réfléchi et pondéré dans ses choix et ses prises de position, tout en n’ayant pas peur de les afficher. Enfin quelqu’un de généreux, très attaché, comme j’en ai eu tout de suite la confirmation, aux valeurs de partage et de transmission, héritées notamment de ses grands-parents. Et puis, secrètement, je comptais sur lui, sur sa grande expérience dans le domaine du livre et de l’édition, pour me donner de judicieux conseils.

Je peux affirmer qu’en toutes choses au cours de cette longue et fructueuse collaboration avec Vincent, les faits sont allés au-delà de mes espérances, et, quelle que soit l’issue de cette aventure, je sais qu’en ce qui concerne l’illustrateur, j’ai fait le bon choix, et même, je n’aurais pu en faire de meilleur.

Oh, oh ! Que d’éloges sur l’illustrateur ! Qui est-il au fond ? Et tu sais quoi ? Lui aussi a accepté de répondre aux questions alors fonce vite découvrir son interview !

Dossier Les Classiques, Contes et Merveilles
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