Interview de Vincent Dutrait

Mosaïques : En vracMôa ! Et vous...

samedi 21 juin 2014

Derrière le livre Les Classiques, Contes et Merveilles, nous retrouvons le maître d’école, alias Stéphane Glacet qui s’est dévoilé dans les billets précédents. Et derrière le maître d’école, penché sur sa table, l’illustrateur, Vincent Dutrait, barbouille son bavoir à peinture contre vents et marées. Lui aussi se prête volontiers au jeu des questions et réponses.

Comment as-tu été amené à participer à ce projet ?

J’ai été contacté par Stéphane via mon blog présentant mon travail et mes illustrations. Sa proposition m’a surpris. Il m’arrive de recevoir des propositions, disons hors circuit habituel des éditeurs connus déjà établis. Mais souvent, ces propositions sont farfelues, bancales voire surréalistes. Alors que là, le message de Stéphane était on ne peut plus clair, sensé, construit et précis. Un projet solide et j’ai aussi tout de suite été emballé par son état d’esprit. C’est ce qui m’a confortablement mis en confiance car j’ai pu me projeter pleinement. C’était un travail dense et volumineux, de longue haleine et on ne s’embarque pas à la légère dans une telle aventure.

Quelle était ta marge de manœuvre pour les illustrations ?

Stéphane m’a laissé carte blanche. Nous avons beaucoup discuté et échangé en amont pour caler l’approche et le traitement des illustrations. J’ai eu un espace de création immense. Mon souhait premier était d’être au plus près des contes, éviter l’aseptisé ou une vision trop « disneyenne ». Ce qui n’empêche pas un peu de fleur bleue ou quelques élans romantiques par moment, moins de guimauve et plus de finesse voire de poésie.

L’idée était de découvrir des personnages et des environnements, pas forcément de manière « réaliste » mais plutôt crédible. En assoyant et en soutenant ces univers par un conséquent travail de documentation, j’ai pu mieux faire basculer les images dans l’extraordinaire et le merveilleux. Je pense qu’ainsi les jeunes lecteurs profitent pleinement de l’immersion et se projettent plus facilement.

Aussi, le cadre scolaire de l’ouvrage m’a soutenu pour souligner fortement le rapport entre les textes et les images. Les jeunes lecteurs doivent pouvoir retrouver ce qu’ils ont lu et mieux comprendre certaines expressions, scènes, actions ou émotions. Une contrainte qui n’en était pas une finalement car cela m’a poussé à aller à l’essentiel et à le représenter de la manière la plus limpide possible.

Comment se passait la collaboration ?

J’ai commencé par lire et relire les textes pour m’en imprégner. Ce fut finalement une vraie découverte car on n’a pas toujours l’occasion de lire les textes originaux et j’en étais resté, dans mes souvenirs, à des versions adaptées ou remaniées. S’en est suivi une séquence de recherches. J’ai rassemblé quantité d’images et de références (vêtements, architectures, nourritures, animaux, etc) avant de me lancer dans la mise en place des crayonnés. Crayonnés que j’ai ensuite proposés à Stéphane afin qu’il vérifie leur cohérence et leur rapport avec les textes. Puis direction les peintures et pinceaux pour la mise en couleurs que j’ai effectuée de manière dite « traditionnelle ».

J’ai rarement eu l’occasion de collaborer dans d’aussi bonnes conditions. Avec Stéphane nous étions sur la même longueur d’ondes (c’en était parfois troublant) et nos très nombreux échanges ont toujours été constructifs et enrichissants. Stéphane a eu l’intelligence de laisser libre court à mon imagination et à mon interprétation. Ce qui, je dois le reconnaître, n’est plus toujours le cas avec d’autres éditeurs qui ont trop souvent tendance à vouloir tout contrôler et à essayer de faire le travail d’illustrations à la place de l’illustrateur…

T’es-tu basé sur les illustrations d’autres contes ou tu es parti de zéro ?

Je suis presque parti de zéro. Je ne me suis pas inspiré d’illustrations d’autres contes mais j’en ai parcouru beaucoup, plutôt dans l’idée de déceler les réussites, le ton juste et approprié. Surtout comprendre et éviter les écueils ou les interprétations de travers. Ce qui est on ne peut plus facile avec les contes, servant souvent de prétextes à des délires artistiques et fantasmagoriques. La marge de manœuvre étant large, je pense qu’on peut se laisser piéger. Donc ce fut plutôt un retour aux sources. Présenter ma vision de ces contes tout en gardant à l’esprit la curiosité et la fraîche acuité des jeunes lecteurs. En fin de compte, je pense que j’ai réalisé les illustrations que j’aurais aimé découvrir enfant.

Combien de temps, il t’a fallu pour réaliser les illustrations ?

La réalisation fut épique, de par le volume d’illustrations à réaliser, la concentration et l’implication à insuffler dans un projet de cette ampleur. Il est aussi difficile de travailler sur 160 illustrations d’une traite (c’est d’ailleurs à ce jour mon record), un vrai marathon. En cours de réalisation, je me suis aussi laissé un peu déborder par la force et l’impact de certains de ces textes qui m’ont donné du fil à retordre pour trouver l’angle juste ou éviter la facilité. Il me semble qu’entre les premiers contacts et la parution du livre, une année s’est écoulée. Et mis bout à bout, je pense qu’il m’aura fallu entre six et huit mois de réalisation.

C’est la première fois que tu travaillais sur le thème des contes ?

J’avais déjà abordé le conte sous d’autres formes en littérature jeunesse comme pour Nils Holgersson, Le Grimoire de Merlin avec son bestiaire merveilleux ou encore l’Encyclopédie du Fantastique et de l’Étrange. Mais je n’avais jamais eu l’occasion de mettre en images les contes, disons « premiers ». Ceux dont a découlé une bonne partie de ce qui compose la littérature jeunesse et fantastique d’aujourd’hui, pour les grands et les petits.

Au début, m’attaquer à ces classiques m’a effrayé. Tout le monde connaît ces histoires, sous des formes différentes, vues ou revues avec plus ou moins de réussites. C’est délicat, voire périlleux, de les mettre en images. D’autant plus que la plupart ont, comme point d’appui, des situations réelles, plausibles, avec un message, parfois une morale, à transmettre. Une appropriation trop forte ou un traitement graphique trop marqué pour se différencier pourraient finalement nuire à l’accessibilité des textes et fausser leur lisibilité voire leur compréhension.

En retires-tu un bénéfice et si oui, de quelle manière ?

Tout d’abord la satisfaction d’avoir participé à un projet comme on en voit peu, autant sur la forme que sur le fond. En édition, faire preuve d’utilité publique, mettre en œuvre générosité, transmission et partage, ça devient – trop – rare.
De plus, Stéphane m’a confié l’intégralité des illustrations, à l’opposé de ce qui se fait aujourd’hui où on a tendance à prendre plusieurs illustrateurs pour apporter superficiellement et artificiellement de la diversité. Le fait que j’ai à gérer toutes ces images m’a justement permis et surtout forcé à me renouveler, à creuser de nouvelles pistes, à me remettre en question pour ne pas ennuyer le lecteur. C’est plutôt gratifiant de se sentir locomotive plutôt que wagon. Un parti pris courageux.

Aussi, c’est un bonheur d’avoir la chance d’illustrer ces contes concis et puissants. Au lieu de faire de la surenchère par facilité, je pense que nous avons fait le bon choix en misant sur une approche « simple ». J’ai le sentiment que l’ensemble est frais et attractif, parvenant à dépayser et à faire rêver les jeunes lecteurs.

Dossier Les Classiques, Contes et Merveilles
Il était une fois, le maître d’école…
Interview de Stéphane Glacet – Partie 1/2
Interview de Stéphane Glacet – Partie 2/2

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