Avec des boules Quies et un casque anti-bruit, j’ai déjà participé à des simulations de surdité où d’autres personnes tentaient de se mettre à ma place. Avec plus ou moins de succès suivant la qualité du matériel fourni. Même si les volontaires n’entendaient plus (ou presque) les bruits extérieurs, ils percevaient davantage les sons internes de leur corps comme le battement cardiaque. J’en ai fini par déduire qu’ils ne connaîtraient jamais le silence absolu.

Après tout, il est facile d’expérimenter l’absence de lumière en étant plongé dans la pénombre complète. Chacun en a fait l’expérience au moins une fois dans sa vie. Mais le silence absolu ? Personne ne peut l’imaginer et encore moins le ressentir. Jusqu’à que je tombe sur un article décrivant le principe d’une chambre anéchoïque (ou chambre « sourd »), située aux laboratoires d’Orfield (dans le sud de Minneapolis). Cet endroit détient depuis 2004 le record de la pièce la plus silencieuse du monde (-9,4 décibels).

Les murs de cette chambre sont fait de cônes en fibre de verre d’un mètre d’épaisseur et disposés perpendiculairement les uns aux autres. Ces cônes empêchent un son émis dans la chambre de se répercuter. Les murs extérieurs sont aussi parfaitement isolés car composé d’une double paroi d’acier et de 30 cm de béton. Pour parfaire l’isolation, le sol est couvert du même revêtement et un filet est tendu au-dessus pour circuler. Pendant l’usage, la pièce est plongée dans la pénombre car le bruit des ampoules perturberait l’expérience.

Chambre anéchoïque des laboratoires d’Orfield

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Résultat ? Le son est absorbé à 99.9% ! Personne ne peut rester longtemps sans subir des hallucinations et une perte de l’équilibre. Steven Ordfield, le propriétaire de cette chambre, met au défi quiconque de réussir à rester le plus longtemps assis dans cette salle sans lumière. Lui-même n’a tenu que 30 minutes et le record jusqu’à présent réalisé est de 45 minutes.

Tiens, tiens, voilà un fait qui m’intéresse ! Serait-il alors possible de faire connaître aux autres le silence absolu ? En lisant de plus près, ce n’est malheureusement toujours pas le cas. Les cobayes se mettent à percevoir tous les bruits de leur corps. Ainsi, Steven Ordfield n’a pas pu dépasser les 30 min à cause du bruit de sa valve cardiaque artificielle qui finissait par le rendre fou. Dans ces conditions, il serait possible d’entendre les battements du cœur, le passage de l’air dans les poumons, le bruit des articulations en mouvement et aussi le bruit de fond des oreilles. Impressionnant quelque part quand même.

Voici une anecdote qui fait la joie des médias, y compris mon blog. Cependant, la chambre a été conçue pour étudier le bruit sous toutes ses formes : téléphones portables, casques audio, portières de voitures, valves cardiaques… Par exemple, la marque Harley-Davidson a utilisé une autre chambre sourde pour diminuer la puissance sonore de ses motos sans en altérer le son si caractéristique. La NASA, quant à elle, possède ses propres chambres anéchoïques pour tester la réaction des astronautes au stress induit par l’absence totale de bruit. Après tout, l’espace est comme une chambre anéchoïque géante.

Fort bien. Mais cela ne change pas au fait que le silence absolu reste inaccessible pour les non-sourds. Comment faire alors pour partager ne serait-ce que cette notion en elle-même ? Et j’ai bien d’envie d’y aller pour m’amuser à tester mes réactions. Il ne se passerait sans doute pas grand chose. Ou alors des hallucinations visuelles, une fois la pièce plongée dans le noir ?