Une coloration belle et inédite des chromosomes X

Mosaïques : FocusScience

dimanche 9 mars 2014

En lisant le magazine Science & Vie du mois de mars 2014 (n° 1158), j’ai découvert un fait que je n’ai jamais appris dans mes cours de génétique alors qu’il est connu depuis 50 ans ! Il s’agit de l’inactivation d’un des deux chromosomes X chez les mammifères femelles. Cette propriété a donné naissance à une technique de coloration inédite, développée par le biologiste Jeremy Nathans, de l’université Johns-Hopkins, à Baltimore (États-Unis).

Particularité des chromosomes sexuels

Je vais sans doute trop vite alors je reprends rapidement les bases de la génétique en prenant l’ être humain comme exemple. Chacune de ses cellules contient 46 chromosomes, regroupés en 23 paires. Chaque chromosome est lui-même constitué de deux chromatides qui correspondent à une forme condensée de l’ADN. La 23e paire se démarque du lot : ce sont les chromosomes sexuelles X et Y. Les femmes possèdent deux chromosomes X (XX) tandis que les hommes présentent un chromosome X et un chromosome Y (XY). L’ensemble des paires de chromosomes constitue un caryotype.

Caryotype humain

[Source image]

Rôle de l’inactivation du chromosome X

Or, le chromosome masculin Y est bien plus petit que son homologue féminin X (57 millions contre 150 millions de paires de bases de l’ADN). Il code donc pour un nombre moins important de gènes. De plus, le chromosome X possède de nombreux gènes cruciaux impliqués dans le fonctionnement des cellules. Les femmes produiraient alors deux fois plus de certaines protéines que les hommes. Pour éviter ce déséquilibre d’expression des gènes sexuels entre les deux sexes, un mécanisme s’est mis en place : l’inactivation d’un des deux chromosome X de la femme. C’est un processus aléatoire qui se fait très tôt dans le développement embryonnaire : dès le 6e jour.

Une nouvelle technique de coloration tissulaire

Le principe est connu depuis longtemps mais les généticiens l’expliquent mal et la répartition physique de ces inactivations restait inconnue. C’est là qu’entrent en jeu Jeremy Nathans et son équipe. Ils ont eu l’idée de marquer ces deux X avec des couleurs différentes grâce à des gènes codant des protéines fluorescentes. L’animal d’étude est la souris dont le caryotype est de 40 chromosomes, soit 20 paires (voir la liste du caryotype de différentes espèces). Si je ne me trompe pas, la méthode se déroule en trois étapes :

  1. Ils ont inséré des gènes codant pour une protéine fluorescente verte dans les chromosomes X d’un lot de souris. Seuls les chromosomes X actifs et exposés à un déclencheur chimique particulier émettent alors une lumière verte.
  2. Puis, ils ont fait la même chose dans un autre lot de souris, cette fois-ci avec des gènes codant pour une protéine fluorescente rouge. Là aussi, les chromosomes X actifs et exposés à un produit chimique différent émettent une lumière… rouge.
  3. La dernière étape consiste à croiser ces deux lots pour obtenir une descendance dont seules les rejetons femelles nous intéressent. Ils ont hérité d’un chromosome X vert d’un parent et un chromosome X rouge de l’autre. Ne reste plus qu’à ajouter les deux produits chimiques pour déclencher l’émission de couleurs des chromosomes X actifs.

Bien sûr, cette astuce ne peut fonctionner que pour la paire de chromosomes XX. Il est inutile de l’appliquer sur les autres paires de chromosomes non sexuels (dites aussi autosomes ou homologues).

Le résultat en photos

C’est bluffant, vraiment très beau à voir. Les photos de différents tissus, prises par l’équipe Jeremy Nathans, révèlent une mosaïque de rouges (chromosome X du père) et de verts (chromosome X de la mère).

Cerveau d’une souris femelle

[Source image]

La partie gauche du cortex est essentiellement rouge, contrairement à la partie droite en majorité verte. Au centre, pas de grande tendance de couleurs majoritaires.

Rétines gauche et droite d’une souris femelle

[Source image]

Le rouge domine pour la rétine gauche tandis que c’est le vert pour la rétine droite. Au passage, rigolo de les voir sous forme de fleur à quatre pétale.

Cils auditifs d’une oreille interne de souris femelle

[Source image]

Je pense que la spirale représente la cochlée. Une partie de cette spirale est essentiellement verte, une autre rouge surtout tandis qu’une troisième se voit mélanger autant de rouges que de verts.

Langue d’une souris femelle

[Source image]

Là, pas photo ! A droite du rouge et à gauche du vert. Et encore, il y a pas mal de cellules vertes dans la partie rouge.

Cœur d’une souris femelle

[Source image]

Cette fois-ci, c’est le rouge qui domine sur le vert sous forme de grandes zones et non de pointillés.

Une répartition aléatoire des couleurs

Attention ! Ce qui vaut pour une souris ne vaut pas pour ses sœurs : les cartes sont redistribués dans chaque embryon. D’ailleurs, je ne sais même pas si les tissus observés plus haut proviennent d’un même animal. Plus fort, cela varie d’un organe à l’autre. Ainsi, le choix par la cellule d’inactiver l’un ou l’autre des chromosomes X semble arbitraire. Aucune règle ne semble se dégager. Cependant, une fois qu’une cellule-mère a « fait son choix », sa cellules-filles s’y tiennent.

Au delà de l’esthétisme de cette technique de coloration tissulaire, la disposition des couleurs témoignent des migrations cellulaires. Une large tache uniforme indiquera peu de mouvements tandis que des couleurs très mélangées évoqueront des grands déplacements. Leur ratio renseigne également sur le nombre de cellules impliquées dans un organe. Plus elles sont nombreuses, plus les couleurs s’équilibrent.

Cela permettra de mieux comprendre l’effet de certaines maladies génétiques chez la femme. Et aussi de mieux saisir la complexité de leur profil génétique que les scientifiques commencent seulement à comprendre. Ah la femme, qu’elle est belle à voir à tous les niveaux !

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4 Pierrot ont pris leur plume. Et toi ?

  1. Seb

    WOW,

    Je ne savais pas ça et ça m’intrigue beaucoup.
    J’ai une petite remarque à faire (sans avoir lu l’article source, mais je vais corriger ça). Ici les chromosomes ne sont pas colorés. La protéine fluorescente verte ou rouge est exprimée selon que le chromosomes où se trouve son gène est actif ou non.
    Ce que l’on voit c’est la protéine que se trouve probablement dans la cellule.

    Avec ce que tu dis, je me demande si tout le chromosome est actif ou inactif ? Serait-il possible que seule une partie de ce dernier soit inactivé ?

    en tout cas merci beaucoup,
    Sébastien

    lundi 10 mars 2014 à 17 h 56 min
  2. Sirtin

    Oui, tout à fait. J’ai juste pris un raccourci pour l’expliquer. De façon plus rigoureuse, ton explication est plus exacte.

    Je pense que c’est tout le chromosome actif car je vois mal la machinerie cellulaire fonctionner avec un bout actif du chromosome X du père et un autre bout actif du chromosome X de la mère.

    Après, je n’ai pas d’éléments pour l’affirmer à 100%.

    jeudi 13 mars 2014 à 14 h 23 min
  3. maelyah213

    Bonjour
    De quelle molécule sont composé les chromosomes dans la première image svp?

    jeudi 18 janvier 2018 à 9 h 18 min
  4. Sirtin

    Bonjour,

    Les chromosomes sont de l’ADN condensé donc il faudrait demander quelles sont les molécules de l’ADN et ce sont les nucléotides.
    Chaque nucléotide est formé de l’assemblage d’un phosphate, d’un sucre, le désoxyribose et d’une base azotée : guanine, cytosine, thymine, adénine.

    Pour aller plus loin : La molécule d’ADN.
    Encore plus loin : La structure moléculaire de l’ADN.

    jeudi 18 janvier 2018 à 22 h 11 min

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