La notion d’individu dans le monde végétal (2)

Mosaïques : DossiersScience

dimanche 25 novembre 2012

Les bases biologiques de l’individualité (Léo Loeb)

Le texte de Loeb, publié dans le magazine Science, 57 ans plus tard, ne parle lui que d’animaux. Ce texte cherche à identifier les bases biologiques de l’individualité. Il commence par citer divers caractères (empreintes digitales, odeurs,…) qui permettent de distinguer les individus, et souligne que ceux-ci concernent des parties de l’organisme, l’individu étant finalement vu comme une mosaïques de caractères décrivant indépendamment différentes parties qui le composent. Son ambition est de trouver un différentiel d’individualité qui soit le plus élevé et le plus fin possible des différentiels du niveau de l’organisme. Le texte décrit des expériences de transplantations pour analyser cette question de l’individualité et de ses bases. Les cellules répondent à des gènes qui leur sont étrangers, ne réagissent pas aux gènes eux-mêmes mais au différentiel entre organismes lié à l’ensemble génétique.

La substance de l’individualité dont l’auteur suppose l’existence serait proche des hormones, dans son action. Il qualifie de différentiel d’individualité harmonieux les particularités les plus caractéristiques d’un organisme vivant en tant qu’individu. Les différentiels chimiques des organismes dans leur totalité et dans leurs interactions constituent selon lui les bases biologiques les plus essentielles de l’individualité.

Pour replacer ces propos dans le contexte scientifique de l’époque, rappelons quelques points historiques de la biologie entre 1929 et 1937, date de la publication de l’article. En 1929, la pénicilline, le sucre désoxyribose dans les acides nucléiques et l’adénosine triphosphate (ATP) sont découverts. En 1932 le cycle de l’urée est découvert. Les prix Nobel de physiologie et de médecine sont décernés pour la découverte des vitamines (1929), des groupes sanguins (1930), du mode d’action des enzymes respiratoires (1931), des fonctions des neurones (1932), du rôle joué par les chromosomes dans l’hérédité (1933), des thérapies hépatiques dans les cas d’anémies (1934), de l’embryogenèse (1935), de la transmission chimique des signaux nerveux (1936).

Ces repères indiquent que la biologie de ces années est concentrée sur la description des éléments chimiques du vivant. L’analyse de l’individualité de Loeb se veut plus holistique que les travaux réductionnistes de son temps. Le récent prix Nobel attribué à la découverte du rôle des chromosomes dans l’hérédité suggère un niveau d’intégration supérieur. Cependant, le paysage des connaissances biologiques n’est probablement pas suffisamment élaboré pour permettre une caractérisation plus précise des propositions de Loeb. Son idée de différentiel d’individualité conserve, 75 ans plus tard, un aspect très abstrait : à revisiter à la lumière de l’immunologie ?

Que sont les pissenlits et les pucerons ? (Daniel Janzen)

Dans son article de 1977, Janzen fait le lien entre animal et végétal, en comparant les pissenlits et les pucerons, deux exemples particuliers. Il souligne d’emblée l’écart qui existe entre la notion d’individu vue par le profane et celle de l’évolutionniste. L’ensemble des pissenlits d’un pré, identiques génétiquement car nés de la parthénogenèse, constitue un individu évolutif, que Janzen compare à un arbre, sans investissement dans un tronc, dans des branches ou dans des racines pérennes, et avec une couronne diffuse. Le puceron, reproduit également par parthénogenèse, est le pissenlit annuel du monde des insectes. Janzen propose pour ces espèces une notion plurielle d’individu.

Une question d’individualité (David Hull)

L’article de David Hull explore, dans le même temps (1978), la notion d’individualité, à la lumière de la théorie évolutive qui est selon lui la théorie fondamentale en biologie.

Les individus selon Hull sont des entités spatio-temporellement localisées, cohésives et continues, donc des entités historiques. Dans les processus évolutifs, Hull met sur le même plan les gènes, les organismes et les espèces en tant qu’individus spatio-temporellement localisés. L’évolution joue sur ces trois niveaux (gènes, organismes, espèces), qui sont donc des unités de sélection, mais agit sur des copies des entités sélectionnées (Richard Dawkins), et non sur des ensembles d’objets similaires. Ces éléments forment alors des lignées, entités historiques qui ont la propriété de persister dans le temps tout en changeant. Hull insiste sur la proximité entre éléments définie à partir de leur apparentement, créant une lignée au sein d’un nexus (connexion) généalogique. Il oppose cette vision à l’idée d’un ensemble dont les membres sont reliés par leur similarité.

Il souligne qu’une définition claire d’un organisme individualisé doit être valable aussi bien pour le biologiste que pour le philosophe et doit s’appliquer à toutes les espèces. Les propos de Hull cherchent à fédérer les points de vue sur les objets évolutifs, leurs différents niveaux, et il propose une vision unifiée, philosophique et évolutive, dont il souligne la puissance, y compris au niveau des valeurs humaines. L’interprétation biologique de l’espèce « protège » ainsi chez l’homme les catégories fragiles de toute exclusion.

Dossier « Le végétal, individu ou colonie ? »
La notion d’individu dans le monde végétal (1)
La notion d’individu dans le monde végétal (3)

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