Quelle est ta relation avec ton espace ? (suite et fin)

Mosaïques : DossiersScience

mardi 15 décembre 2015

Dans mon article précédent, Quelle est ta relation avec ton espace ?, nous avions abordé la façon dont le cerveau construisait sa réalité à partir de ses fenêtres sensorielles et les conséquences quand ces fenêtres se modifiaient en nombre, surface ou forme. Que se passe-t-il quand les sens sont tous fonctionnels et que la synthèse des informations sensorielles se fait de manière très spéciale ? Là encore, quelles sont les conséquences sur notre espace et donc les relations avec l’environnement ?

Le cas de l’héminégligence

Cet handicap cérébral est l’un des plus spectaculaires et sans doute l’un des plus difficiles à comprendre. La partie gauche de notre corps est perçue et contrôlée par l’hémisphère droit de notre cerveau tandis que c’est l’hémisphère gauche pour la partie droite de notre corps. Or, dans 80% des cas, l’hémisphère droit est touché par un accident vasculaire cérébral, c’est-à-dire une artère qui se bouche et qui entraîne une lésion. Résultat ? La personne « oublie » la moitié gauche de son espace alors que ses deux yeux fonctionnent parfaitement !

Vision normale et disparition perception visuelle gauche
(cliquez sur l’image pour l’agrandir)

[Source image]

Cette lésion empêche le cerveau de répondre aux signaux issus de son champ visuel gauche. Un test fréquent consiste aux personnes de reproduire des dessins. En bas, voici les reproductions des personnes « héminégligeants » : seule la moitié d’une fleur est représentée. Même chose pour un cube et une maison.


[Source image]

Et si cela ne suffisait plus, ces personnes se heurtent aux obstacles situés sur leur gauche, ne lisent que la partie droite d’un texte, ne mangent que le contenu droit de leur assiette, ne se rasent que la partie droite de la barbe ou se maquillent l’œil droit et ainsi de suite.

Rasage de la partie droite du visage d'un homme
[Source image]

Et alors ? Il suffit que la personne « héminégligente » tourne la tête pour balayer le champ de vision gauche et donc compenser son handicap. Eh non ! C’est là que cela devient troublant : cette personne n’a aucune conscience d’avoir perdu la moitié gauche de son espace ! Elle se comporte comme si elle n’existait pas. C’est que qu’on appelle l’anosognosie. Ce n’est pas une maladie mais un symptôme qui se manifeste suite à un trouble neurologique. Il se traduit par la méconnaissance voire l’ignorance de l’individu de sa maladie ou de son handicap. A ne pas confondre avec le déni où le sujet est conscient de ses difficultés sans vouloir l’admettre.

Voici un exemple flagrant où la perception de l’espace et donc les interactions avec l’environnement dépend aussi de la synthèse des informations cérébrales alors que les sens sont fonctionnels.

Autre exemple d’anosognosie

L’anosognosie peut également s’appliquer dans d’autres cas comme la maladie d’Alzheimer. Au début, les patients se rendent tout à fait compte qu’ils souffrent de problèmes de mémoire. Puis, l’évolution de la maladie est telle que ces personnes vont littéralement oublier qu’ils oublient. Les souvenirs de leurs difficultés de mémoire vont s’effacer ainsi que tout souvenir des autres types de difficultés cognitives. Peu à peu, le patient entrera dans un état de non-conscience de son trouble.

Je vis cette situation avec ma grand-mère qui a perdu sa mémoire immédiate et sa mémoire à court terme alors que sa mémoire du passé reste plus ou moins intacte. Elle me reconnaît toujours, bien que je change souvent de coupe et de barbe. Les discussions ressemblent à un disque rayé où il me faut répéter vingt fois la même chose. A chaque visite, elle redécouvre que j’ai une nouvelle vie, des nouvelles activités qui pour moi restent identiques. C’est une situation étrange et je la regarde beaucoup. Je remarque que ses déplacements sont moins déterminés, plus erratiques. Comment se projeter d’un point A à un point B si nous oublions pourquoi nous voulions nous déplacer ? Comment aller à la cuisine si nous oublions où elle se trouve et pourquoi nous voulions aller à cette pièce ?

Il est frappant de constater que le présent est, après tout, une passerelle entre un passé et un futur très proches. Que cette passerelle se brise et le futur s’estompe tandis que le passé s’effiloche.


[Source image]

L’agnosie auditive

Le cortex auditif est la partie du cerveau qui analyse les informations auditives. Il se situe dans la partie supérieure du lobe temporal et il est organisé en aires primaires et secondaires comme suit :

  • Le cortex primaire permet de distinguer et de mémoriser les fréquences sonores, de connaître l’intensité du son ainsi que son timbre et sa durée. Cependant il n’interprète pas ces informations.
  • Le cortex secondaire permet la compréhension et la catégorisation des mots.

Des lésions au niveau du cortex auditif entraînent des troubles qui varient selon la zone atteinte. Voici quelques exemples :

  • Lésion globale du cortex auditif : l’individu perd sa conscience des sons mais ses réactions liées au son seront conservées.
  • Destruction du cortex auditif secondaire droit : apparition d’un agnosie musicale, c’est-à-dire le déficit de la reconnaissance musicale.
  • Destruction du cortex auditif secondaire gauche ; apparition d’une surdité vocale. L’individu entend les paroles, les sons, mais ne peut les reconnaître. C’est un problème de compréhension auditive.

Schéma du cortex auditif : aires primaires et secondaires

[Source image]

Je connais une personne qui a une surdité vocale (ou surdité verbale). Bien qu’elle entende parfaitement, elle n’arrive pas identifier les sons du langage. Les paroles n’ont aucun sens pour elle, un peu comme une série de bruits. La surdité verbale entraîne aussi des problèmes d’expression, car la personne ne comprend plus les paroles qui sortent de sa bouche. Elle fait donc beaucoup de fautes : hésitations, répétitions de mots, déformation ou substitution d’une partie ou de tous les mots. Par exemple, dire « sapon » au lieu de « sapin ».

Du coup, cette personne a suivi sa scolarité dans des établissement spécialisés pour les enfants sourds et elle a appris la langue des signes française (LSF). Cette langue visuelle lui a permis d’apprendre à parler et elle communique dans les deux langues. Cependant, elle sera sensible à l’espace sonore et peut réagir aux stimulus auditifs, contrairement à une personne sourde qui n’a pas (ou peu) de perception auditive. Encore une fois, leurs constructions de l’espace vont différer même s’il y a beaucoup de similitudes.

Et que dire des personnes ayant un handicap mental ou psychique ? Cette famille de handicap m’est peu familière car les profils sont très variés. Cependant, leurs sens fonctionnent. C’est dans leur tête que tout se joue, d’une manière ou d’une autre, que ce soit au niveau cognitif ou psychique. Et ceci est une autre histoire mes enfantelets.

Et toi, si tes sens fonctionnent, si ta tête fonctionne (ou du moins tu le penses), comment évolues-tu dans ton espace ? Quelles sont tes représentations ? Es-tu acrobate, funambule, jongleur, patineur, marcheur, coureur ou canapeur ?

Dans la même catégorie

Pierrot, veux-tu prendre ta plume ?

Les champs marqués d'une astérisque * sont obligatoires

Markup Controls gras italique citer liens
Emoticons Sourire Grand sourire Triste Stupéfait Mouais Classe Sourire taquin Clin d’œil Rougir Démoniaque Tordu Sourire vert

Envie d'une image avec ton nom ?

Alors, va sur le site Gravatar et inscris toi pour télécharger ton image. Il ne reste plus qu'à entrer la même adresse mail sur le blog que celle choisie sur Gravatar et ton avatar est affiché ! Ch'est pô beau cha ?