La douleur, un mal ou un bien ?

Mosaïques : HumanusScience

vendredi 7 décembre 2007

Petit, j’étais un habitué des urgences. Coupures, brulures, entorses, plaies ouvertes… J’ai connu les bandelettes, la couture de luxe et l’ornement agrafien sur le crane. Et oui, j’étais à la fois distrait et casse-cou. Ma seule fierté pour le moment est : aucune fracture ! Bref, tout ça pour dire que j’ai largement eu un aperçu de la douleur avec le souhait qu’il disparaisse au plus vite. Un désir partagé par tous. Imaginez le bonheur d’avoir une vie sans bobos !

N’imaginez plus, elle existe. Certains individus naissent avec une absence de perception de la douleur nommée analgésie congénitale (congénitale = naissance et analgésie = interruption de la transmission du signal neuronal de douleur, de la périphérie au cerveau). Chouette, les veinards vous direz vous ? Oh que non ! L’analgésie congénitale est une maladie très rare qui transforme vite la vie des personnes atteintes en cauchemar. Ne connaissant pas la douleur, elles n’ont pas le réflexe de l’éviter : elles peuvent laisser la main sur une plaque chaude sans s’en rendre compte et s’en apercevoir en reniflant une odeur de chair cramée. Elles se mordent souvent la langue en mangeant, peuvent marcher avec une fracture aggravée au cours du temps. Elles ne sont pas averties des maladies normalement signalées par une douleur plus ou moins intense : l’appendicite par exemple. Elles ont souvent des inflammations aux articulations car elles se tiennent debout longtemps ou n’ont pas le réflexe de se tourner durant leur sommeil. Ce qui est évident pour nous, elles doivent l’apprendre. Ce qui est spontané pour nous, elles doivent vérifier à chaque instant si elles n’ont rien… Par conséquence, l’espérance de vie est courte, malgré tous les efforts de vigilance…

Cette maladie montre que la douleur, si désagréable et si intense soit-elle, est indispensable à la survie de notre organisme. Elle est une véritable sonnette d’alarme nous informant à quel moment et à quel endroit rien ne va. A l’inverse, la douleur peut devenir pathologique quand elle devient chronique comme l’arthrose ou les membres fantômes. Ces deniers sont un phénomène très étrange : avoir mal à un membre amputé comme une crampe à la jambe. Comment peut-il avoir transmission alors que le membre a disparu ? Nous ne savons pas encore les mécanismes impliqués. La douleur chronique est inutile, assourdissante et elle est reconnue comme une maladie à part entière. Elle handicape davantage qu’elle n’aide. Tout est question d’équilibre…

Au fait, qu’est ce que la douleur ? L’association internationale pour l’étude de la douleur donne la définition suivante admise par la communauté scientifique : La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle, désagréable, associée à une lésion tissulaire, réelle ou potentielle, ou encore une expérience décrite en termes d’une telle lésion.. La dernière partie de la définition est essentielle car la douleur est avant tout une expérience subjective difficile à évaluer objectivement et qui varie selon les situations. Elle peut naître aussi bien d’une lésion (une brulure, arcade sourcilière fendue) qu’une absence de lésion (membre fantôme, infection). D’autres facteurs comme la mémoire, les expériences passées… détermineront la sensation douloureuse. Après tout, Montaigne disait bien : Craindre de souffrir, c’est déjà souffrir.

Des fibres nerveuses relient le cerveau, centre nerveux central, aux récepteurs situés dans tout le corps et faisant parties du système nerveux périphérique. Pour simplifier, disons qu’il existe plusieurs types de fibres ascendants représentées dans l’illustration ci-dessous. La sensation douloureuse est véhiculée par les fibres C les plus lentes, c’est à dire ceux de plus petit diamètre. C’est pourquoi, en cas de bobo, nous frottons la zone touchée. La sensation tactile, véhiculée par les plus gros fibres et donc les plus rapides, arrivera au cerveau avant la sensation douloureuse d’où une inhibition partielle. Or, il semblerait que les personnes atteintes de l’analgésie congénitale présenteraient une absence des fibres C, une hypothèse à confirmer.


[Source image]

La douleur, vous l’avez compris, résulte de mécanismes complexes qui ne sont pas encore entièrement élucidées. Elle survient dès qu’une sensation désagréable dépasse un certain seuil et elle dépend de notre vécu, de notre expérience. Cette situation vient en partie du fait que la douleur fut longtemps considérée comme une fatalité et qu’il fallait la subir, bon gré mal gré. Une mentalité qui a longtemps régné aussi bien dans la population que dans le milieu médical. Heureusement, cette même mentalité évolue petit à petit pour comprendre qu’elle n’a rien de naturel et qu’elle doit être combattue au même titre que n’importe quelle maladie. Des centres de traitement spécialisés voient le jour et des modules sur le même thème sont créés dans des hôpitaux. Le chemin est encore long mais il est nécessaire pour une amélioration des conditions de vie du malade et des relations humaines dans des milieux médicalisés parfois à l’extrême…

En savoir plus…
CNRD (centre national de ressources de lutte contre la douleur)
Carte de France des centres anti-douleurs

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4 Pierrot ont pris leur plume. Et toi ?

  1. Kmi

    Intéressant ton article!

    Pour info, les acouphènes sont considérés comme des douleurs de membres fantômes (le membre fantôme ici est la cochlée qui marche pas bien, je ne sais pas si c’est une affirmation scientifique ou une hypothèse vraisemblable). Donc certains connaissent ce type de douleur sans avoir pourtant un membre amputé.

    Sinon il y a aussi les services de soins palliatifs qui prennent de l’ampleur, qui mettent en avant le combat de la douleur en menant vers une mort digne plutôt que le combat de la maladie incurable sans se soucier de la douleur et qui mène souvent à une mort lente atroce, tellement atroce que le débat contre l’euthanasie est vif. Le traitement de la douleur, une alternative à l’euthanasie?

    A méditer!

    vendredi 7 décembre 2007 à 15 h 16 min
  2. Ton commentaire est pertinent et d’ailleurs m’a inspiré pour un autre article. Cherche, cherche…
    Oui, des études ont montré qu’un traitement adéquat de la douleur diminue le désir d’en finir avec sa vie. Quant à l’euthanasie, c’est un autre débat tout aussi complexe.

    mercredi 12 décembre 2007 à 21 h 18 min
  3. Alisson

    Bonsoir, je suis en 3ème année de gymnase et je suis en plein travail de maturité que je fais sur l’analgésie congénitale. Si vous avez des infos et si vous voulez bien que je vous interview, répondez juste à ce message et l’on pourra discuter.
    Merci d’avance 🙂

    mercredi 15 mars 2017 à 20 h 14 min
  4. Sirtin

    Dans ce cas, il suffit de m’envoyer un mail via le lien « contact » en bas du site.
    😛

    jeudi 16 mars 2017 à 10 h 25 min

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