Plonge, petit poisson des airs…

Mosaïques : En vracMôa ! Et vous...

vendredi 12 novembre 2010

Seul dans le ciel, le regard vers l’horizon, je contemple le paysage : les magnifiques montagnes au nord, le lac miroitant à l’est, la vaste plaine au sud et la curieuse montagne arrondie et plate au sommet à l’ouest. Un petit mouvement du coude et je tournoie à 360°, un petit déhanchement du bassin et me voilà sur le dos, le regard plongé dans l’infini bleu et l’éternité est silence.

Rembobinons. C’est bientôt l’heure du départ, il est 8h du matin. J’enfile ma combinaison, engonce mon casque et ajuste mon parachute, sans oublier l’indispensable altimètre à mon poignet gauche. Après les dernières vérifications, je monte dans l’avion. Au choix, le Pilatus pour dix personnes, hélice au nez, ou le Twinotter pour vingt personnes, une hélice à chaque aile. Je préfère le Pilatus pour ses hublots plus grands et pour sa rapidité d’ascension car plus léger. 300 mètres, 500 m, 800 m… Deviennent fourmis les humains, petits, petits. 1500 m, 2500 m… Le trouillomètre gonflée à bloc pour certains, l’extase pour d’autres et la routine pour les vétérans. 3000 m et enfin 4000 m ! La lumière matinale rase les sommets, aucun nuage, le sol est un tableau peint par Paul Klee, l’avion se stabilise, la porte s’ouvre, l’air frais s’engouffre en tourbillonnant. Chacun, à tour de rôle, saute : sur le ventre, sur le dos, boule avant ou arrière, à plusieurs, seul, craintivement, à l’aise Blaise ou sobrement.

C’est mon tour, j’y vais, prudemment au premier saut avec mes deux moniteurs, seul et sans peur à ma dernière chute. Les premières secondes, je n’ai pas d’appui et je m’éloigne de l’avion. Dix secondes après, je suis sur un coussin d’air avec lequel je peux m’amuser. Je ne suis pas oiseau fendant les airs mais poisson flottant dans l’eau. Je n’ai pas de vertiges, pas de nausées, pas d’estomac qui remonte. Bien que chutant à 200 km/h environ, je n’ai pas d’impression de vitesse ni de chute mais celle de flotter, minuscule bouchon au milieu de l’Océan. 1500 m à mon altimètre, il est temps d’ouvrir le parachute ! C’est le petit instant que je n’aime pas au moment de lâcher la poignée : marchera, marchera pas ? La voile s’étend, prend forme, je passe brutalement à 15 km/h, je vérifie que tout va bien et je prends mes poignées de commande. Je peux souffler, déboucher mes oreilles. Après l’adrénaline vient le calme mais la vigilance est toujours là jusqu’à l’atterrissage. Je descends en respectant le circuit de façon à me placer face au vent près du sol. Je tire sur mes poignées de commande et je tombe, prêt à courir. Malheur ! Je suis trop haut et m’étale comme une merde. Ou encore je me pose telle une pétale de fleur, c’est selon les jours. Il n’est pas facile d’évaluer la hauteur car les repères sont différents par rapport au sol.

C’est fini, j’ai la banane en travers du visage. Je n’ai qu’une envie : recommencer ! Mais d’abord plier le parachute (45 min environ), se reposer, vérifier les conditions météorologiques, c’est à dire absence de vent et de nuages pour les débutants. C’est bon ? Et c’est reparti pour un tour de manège ! Deux fois, j’ai pelleté les nuages, quinze fois j’ai sauté pour obtenir le brevet A.

Nous sommes en 2010. Dans toute la France, le parachutisme est interdit aux sourds. Toute ? Non ! Un club peuplé d’irréductibles passionnés résiste encore et toujours aux idées reçues. J’ai nommé Vive la Chute, le seul club qui propose une formation adaptée aux sourds depuis 2005. Grâce aux actions engagées de Éric, sourd et responsable de la section Sourds, Thierry (surnommé Papy), président du club, Emma, interprète en LSF (langue des signes française) et d’autres gens que j’oublie, les sourds peuvent suivre une semaine de formation de parachutisme plusieurs fois par an à l’aérodrome de Gap-Tallard, dans les Hautes-Alpes, ou à Pamiers en Ariège : la PAC Sourds, PAC signifiant « progression accompagnée en chute libre ».

C’est ainsi qu’en août dernier, je me suis engagé dans la formation PAC Sourds. Le but est d’arriver à sauter seul au septième saut. La première fois, je suis accompagné de deux moniteurs puis, jusqu’au septième, un seul reste avec moi. C’est lui qui me filme et corrige ma position à l’aide d’un petit code manuel. Ensuite, nous visionnons les vidéos pour mieux comprendre mes erreurs (debriefing). Cette méthode permet de progresser rapidement et de prendre conscience très tôt des sensations, à condition bien sûr d’avoir suivi une journée d’informations théoriques avant de sauter. C’est là qu’Emma est utile pour bien comprendre car la sécurité est très importante dans la pratique du parachutisme ! Les moniteurs sont sélectionnés pour leur engagement et leur motivation à enseigner aux élèves sourds. Cette année, ils étaient deux : Marin et Jean-Michel, très sympa, patients et pédagogues. Papy reste au sol avec ses jumelles, une radio dans chaque main pour me surveiller lors de ma descente sous voile. Une radio alors que je suis sourd ?! Si si, j’ai bien deux radios mais elles sont fixées dans une sangle qui fait le tour de mon ventre. Il veut que j’aille à gauche ? Ma radio de gauche vibre et je tourne. A droite ? C’est ma radio de droite qui vibre. Pour atterrir, les deux radios vibrent en même temps. Simple, non ? Encore fallait-il y penser.

Après avoir réussi à sauter seul, sans moniteur, au septième saut, ma formation se terminait au huitième saut. Mais je voulais obtenir le brevet A alors j’ai enchaîné à la fin de la semaine, en payant les chutes supplémentaires. A quoi sert ce brevet ? Il me permet de sauter seul et sans radios mais toujours au même aérodrome. Mon prochain objectif est d’obtenir le brevet B l’année prochaine. Avec ça, je peux aller dans les autres centres parachutistes de France, en toute autonomie et pas seulement à Gap-Tallard. Et après ? On verra, chaque chose en son temps…

Un vieux rêve s’est réalisé : après le parapente, faire du parachutisme au moins une fois, genre en baptême, mais j’avoue que je pensais pas faire une véritable formation. Plusieurs raisons se sont cumulées pour que j’ose franchir le pas : un ami qui a déjà suivi la PAC Sourds l’année dernière et qui m’a raconté ses expériences, vidéos à l’appui. Un cadeau collectif pour mes 25 ans, une bonne situation géographique puisque j’habite à Aix-en-Provence, à 1h30 de Gap-Tallard en voiture. Et voilà !

Chaque année, le club Vive la Chute cherche des candidats sourds pour ses formations à Gap et à Pamiers, peu importe leur mode de communication. Toi, ma charmante lectrice, toi, mon doux lecteur, n’es-tu pas tenté ? Ne veux tu pas essayer ? C’est facile, il suffit de franchir la porte et de se laisser aller… N’hésite pas à te rendre sur le site du club Vive la chute.

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4 Pierrot ont pris leur plume. Et toi ?

  1. hadrian

    miam!

    mardi 16 novembre 2010 à 19 h 31 min
  2. Sirtin

    Bon appétit
    😉

    mercredi 17 novembre 2010 à 20 h 12 min
  3. davyd

    enfin !!!! moi qui cherchait a connaitre la légende du blogueur « parasirtin » !!! 😛 sacré début , et coup de maître… arfff !! aussi à l’aise dans les articles que dans le ciel !!! tu ne manque pas d’air cela va de soit !!!! 😉

    lundi 22 décembre 2014 à 12 h 48 min
  4. Sirtin

    Oui, faut être gonflé quelque part pour monter dans les airs…
    :mrgreen:

    mardi 23 décembre 2014 à 23 h 16 min

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