Le discours visionnaire de Richard Feynman

Mosaïques : HumanusScience

dimanche 9 août 2009

Le 29 décembre 1959, Richard Feynman donne une conférence à l’American Physical of Society, intitulé : There’s Plenty of Room at the Bottom. Grâce au travail de Dr Goulu et Maxence, la traduction française est maintenant disponible à tous et porte le titre suivant : Il y a plein de place en bas !

Encore du blabla avec du pur jargon scientifique ? Que nenni ! La prose de Feynman, un des physiciens les plus marquants du 20e siècle, est limpide et surtout porte en son sein une vision saisissante de justesse sur les cinquante prochaines années. Son discours aborde l’évolution vers la miniaturisation extrême, la naissance de la nanotechnologie, le concept du laser… Soit autant de domaines massivement utilisés de nos jours, ou en passe de l’être. Je suis étonné de voir à quel point il avait su anticiper 50 ans en avance même ce qu’il décrit peut paraître naïf mais ce n’est que le reflet des connaissances de son époque. En voici quelques extraits avec mes commentaires…

Il y aurait peut être même un moyen plus simple que cela (même si je ne suis pas sûr que cela fonctionnerait) : Prenons de la lumière et, à travers un microscope optique fonctionnant à l’envers, nous la concentrons sur un très petit écran photoélectrique. Donc des électrons sortent de l’écran où la lumière brille. Ces électrons sont concentrés à la bonne taille par le microscope électronique et éroderaient directement la surface du métal. Est-ce qu’un tel faisceau enlèverait du métal assez vite ? Je ne sais pas. Si cela ne marche pas pour une surface métallique, il doit être possible de trouver une surface avec laquelle recouvrir les épingles qui, une fois bombardée par les électrons, est modifiée d’une façon que l’on pourrait reconnaître plus tard.

Même s’il imagine utiliser des électrons pour éroder la surface du métal, ce n’est pas moins le principe du laser qu’il expose ! Les circuits électroniques sont obtenus par gravure sur du silicium et le laser permet justement d’obtenir une finesse encore inégalée. C’est amusant de constater qu’il n’était pas sûr de son fonctionnement. Pour la petite histoire, le laser fit concrètement son apparition quelques années plus tard mais il restait issu de la recherche fondamentale, sans que l’on sache à quoi il servirait…

Rayons laser rouge et vert
[Source image de gauche et image de droite]

Si je regarde votre visage, je sais immédiatement que je l’ai vu avant. (En fait, mes amis vont dire que j’ai choisi un exemple malheureux pour illustrer ce sujet. Mais au moins, je reconnais que c’est un homme et pas une pomme). Pourtant, il n’existe pas de machine qui puisse aussi vite prendre une image d’un visage et dire qu’elle représente un homme, et encore moins que c’est le même homme que sur une précédente photo, à moins que ce ne soit exactement la même image. Si le visage est changé, si j’en suis plus proche, ou plus loin, si la lumière n’est pas la même, je le reconnais quand même. Mais ce petit ordinateur que je porte dans ma tête est capable de le faire facilement. Les ordinateurs que nous construisons ne sont pas en mesure de le faire.

A cette époque où les ordinateurs prenaient beaucoup de place, voilà que s’établit déjà la comparaison entre le cerveau et l’ordinateur. Une comparaison encore utilisée maintenant et pourtant complètement fausse car le fonctionnement du cerveau n’a rien à voir de celui des ordinateurs et vice-versa. Nous ne sommes pas si éloignés de Descartes pour qui le corps humain était juste une machine, complexe il est vrai, mais une machine dont il suffisait de comprendre les différents rouages.

Carte-mère dans la boîte crânienne dévoilée aux rayons X
[Source image : lien cassé]

Un de mes amis (Albert R. Hibbs) suggère une possibilité très intéressante pour les machines relativement petites. Il a dit que, bien qu’il s’agissait d’une idée extrême, il serait intéressant en chirurgie d’avaler le chirurgien. Introduisez le chirurgien mécanique dans un vaisseau sanguin, et il ira dans le cœur pour « regarder » autour. (Bien sûr, l’information doit être récupérée.) Il trouve quelle valvule est défectueuse, prend un petit couteau et la tranche. D’autres petites machines pourrait être incorporées de façon permanente dans le corps pour assister un organe fonctionnant inadéquatement.

De la science-fiction pour l’époque, une réalité en passe de se concrétiser pour bientôt. Il suffit de lire l’article de Futura-Science pour s’en convaincre : Bientôt un nanorobot chirurgien à glisser dans une artère ? et je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec un ouvrage de Isaac Asimov, Le voyage fantastique, où il imagine un groupe d’humains rétrécis et voyageant dans un corps humain avec un vaisseau adapté. L’idée n’est pas nouveau !

Nanorobot piquant une globule rouge
[Source image : lien cassé]

En allant vers le petit, il y a de nombreux problèmes intéressants qui surviennent. Tout n’est pas simplement réduit de façon proportionnelle. Un problème est que les matériaux vont coller ensemble, par l’attraction moléculaire (de Van der Waals). Ainsi, après que vous ayez réalisé une pièce et que vous dévissez le boulon d’un écrou, il ne tombera pas parce que la gravité est négligeable ; il sera même difficile de l’écarter de l’écrou. Ce sera comme dans ces vieux films, avec un homme avec les mains pleines de mélasse, essayant se débarrasser d’un verre d’eau. Il y aura plusieurs problèmes de ce genre que nous devons être prêts à résoudre.

C’est exactement le problème auquel est confronté les constructeurs de circuits électroniques. Nous avons la technologie pour réaliser des circuits de l’ordre du nano, voire même plus petit : à l’échelle atomique ! Seulement, c’est un monde étrange où les lois classiques de notre monde macroscopique ne s’appliquent plus. C’est un monde microscopique, nanoscopique, avec ses propres lois tous plus bizarre les uns des autres et décrits par la mécanique quantique. La mécanique quantique nous pose problème surtout parce qu’il s’agit d’une autre vision du monde qui prend à rebrousse-poil notre intuition et notre logique. Même les spécialistes s’y perdent ! (Lire : Nanotechnologies : Plus petite que soi deviendra grande !).

Peinture abstraite aux lignes et formes cassées
[Source image : lien cassé]

Les principes de la physique, autant que je suis puisse le voir, ne vont pas contre la possibilité de manier les choses atome par atome. Ce n’est pas une tentative de violer quelque loi que ce soit ; c’est quelque chose qui peut en principe être fait, mais qui en pratique n’a pas été fait car nous sommes trop grands.

Grâce à la microscopie à effet tunnel, nous pouvons distinguer les atomes à la surface d’un objet. Mieux : nous pouvons déplacer atome par atome et réaliser des constructions atomiques ! les applications restent mince mais voici déjà un nouveau domaine exploré dans la recherche fondamentale. Qui sait les applications qui en découleront ?

Surface dévoilée au niveau atomique
[Source image : lien cassé]

Non vraiment, il m’épate ce Feynman !

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