Interview de Stéphane Glacet – Partie 1/2

Mosaïques : En vracMôa ! Et vous...

mardi 17 juin 2014

Tu as aimé le livre Les Classiques, Contes et Merveilles du maître d’école ? Tu es désireux d’en savoir plus sur les coulisses ? Ça tombe bien car le maître d’école, alias Stéphane Glacet, a accepté de répondre à mes questions. Bonne lecture !

Pourquoi ce projet et quel fut l’élément déclencheur ?

Ce projet est né du constat de l’inadéquation des budgets de nombreuses écoles primaires avec les exigences de programmes constamment renouvelés. Après que le ministère de l’Éducation nationale ait mis en place, dans une grande précipitation et sans concertation, les programmes de 2008, une certaine contestation de ces programmes a vu le jour. Des « désobéisseurs » affichant ostensiblement leur refus de les appliquer ont attiré ponctuellement l’attention de la presse locale, voire nationale.

L’année suivante, le ministère a diligenté une enquête pour s’assurer que les enseignants du primaire mettaient bien en œuvre, avec loyauté, les nouveaux programmes, notamment en procédant au renouvellement des séries de manuels de français, de mathématiques, etc. Or, quelle ne fut pas la surprise de nos hauts fonctionnaires parisiens d’apprendre que dans une importante proportion d’écoles de « la France profonde »,  non seulement les manuels n’étaient pas à l’heure des derniers programmes, mais ils n’étaient pas à celle des programmes précédents, ni même parfois de ceux d’avant. Et cela, non par résistance aux changements d’un corps globalement très docile, mais plus trivialement par manque des moyens pécuniaires suffisants pour financer l’achat de séries de manuels.

J’ai constaté moi-même ces difficultés, en tant que maître et directeur d’école, gestionnaire des différents budgets alloués par les communes, en tant que président-trésorier de coopératives scolaires, en tant que président du Centre de Ressources Pédagogiques et Culturelles de la circonscription de Pithiviers, ou encore en tant qu’initiateur et animateur du réseau de mutualisation des séries de livres de littérature de jeunesse entre écoles de la même circonscription.

À partir de 2002, les programmes ont exigé que les élèves du cycle 3 (CE2, CM1 et CM2) lisent une dizaine d’œuvres de littérature de jeunesse par année scolaire. Ainsi, les anciens manuels de lecture, compilations d’extraits choisis de littérature de jeunesse, ne suffisaient plus. Il fallait que les écoles trouvent le moyen de se procurer des séries d’œuvres complètes à mettre entre les mains des élèves. Les éditeurs se sont adaptés à ce nouveau besoin, en proposant des compilations d’œuvres complètes. C’est par exemple l’objet de la collection Bibliobus de Hachette, dont chaque livre regroupe quatre œuvres, dont au moins une fait partie de la liste des trois cents œuvres recommandées par le ministère.

C’est aussi en raison de cette nouvelle exigence que le bouche à oreille et surtout l’OCCE l’organisme qui chapeaute les coopératives scolaires de toutes les écoles de France) ont bientôt fait connaître dans les écoles l’éditeur associatif Vincent Safrat, fondateur de Lire c’est partir , qui propose des livres de littérature de jeunesse à 0,80 € l’unité, initialement destinés au grand public, et non aux écoles.

C’est en me documentant sur le projet et la démarche de Vincent Safrat que j’ai pensé qu’il devait être possible de proposer des manuels scolaires de grande qualité, tant dans leur forme que dans leur contenu pédagogique, à des prix bien inférieurs à ceux habituellement pratiqués par les grands éditeurs, et ainsi contribuer à réduire l’ampleur de cette inadéquation entre les moyens des écoles et les exigences de l’institution.

L’élément déclencheur a été ma démission de l’Éducation nationale. On supprime ou réduit la taille des structures qui accueillaient les élèves inadaptés à la classe traditionnelle, quand le nombre de ces élèves ne cesse de s’accroître. Lorsqu’à mon tour, après bien d’autres collègues, j’ai dû « gérer » une élève qui passait la moitié de son temps de classe à hurler, j’ai résisté trois mois et demi, avant de démissionner par peur de céder un jour aux pulsions de violence que je réprimais dix fois par heure. Après ma démission, j’étais libre de tenter de mettre en actes mes idées de projets.

Pourquoi les contes en particulier ?

J’ai commencé par les contes traditionnels parce qu’ils font partie de la liste de référence du ministère, parce qu’ils sont libres de droits d’auteurs, parce qu’ils sont à la base de notre culture littéraire et à ce titre à la fois indémodables et incontournables, peu susceptibles de disparaître un jour des programmes de l’Éducation nationale, et parce que, malgré les nombreuses études que j’en avais fait faire aux élèves en seize ans de professorat des écoles, non seulement je n’en étais pas dégoûté, mais je leur portais même une admiration sans cesse grandissante.

Le livre est normalement destiné aux écoles. Pourquoi aussi aux particuliers ?

Ce n’était pas dans mes plans de mettre l’ouvrage à disposition des particuliers. C’est à la demande de Vincent, pour « ses fans », que je l’ai fait. Compte-tenu du travail fantastique qu’a réalisé Vincent sur ce projet, je lui devais bien ça. Et je ne le regrette pas : c’était très intéressant d’avoir des contacts avec les fans de Vincent. C’est une relation très différente de celle avec les collègues enseignants.

Comment est diffusé le livre ? Par quel réseau ? Quelles est la diffusion en ce moment, beaucoup de commandes ?

Je pensais, sur la foi d’une étude de marché probablement mal faite, qu’il suffirait que je mette le livre à disposition des collègues, par le dépôt de spécimens gratuits dans les écoles, pour que l’impulsion d’achat se produise. Cela arrive effectivement, mais trop rarement pour la viabilité de l’entreprise.
La plupart des collègues directeurs réalisent leurs achats soit sur catalogue, soit à l’occasion du passage d’un représentant. Or je n’ai pas de catalogue, puisque je n’ai qu’un produit, et ma marge unitaire ne m’autorise aucunement l’embauche d’un représentant, et donc encore moins d’une équipe de commerciaux. Et c’est un rôle que je suis personnellement totalement incapable de tenir.

L’adéquation du produit (livre papier + fichier PDF numérique du livre + accompagnement pédagogique pléthorique gratuit) à la demande n’est pas en cause. Les retours très positifs des « clients » me le prouvent. Quelques 850 exemplaires ont été vendus à ce jour. Pour aller au-delà, il faut que j’adapte ma stratégie de diffusion aux habitudes des collègues. L’association à un réseau de diffusion déjà en place, si possible nationalement, me paraît actuellement la meilleure piste à explorer.

Comment choisir telle ou telle variante du conte ? Ou bien, les contes publiés reposent sur des textes d’origine ? Si oui, comment les trouver ?

Je voulais proposer les versions originelles des grands auteurs classiques : Perrault, Grimm et Andersen. Celles de Perrault sont en libre accès sur internet (notamment), et directement utilisables telles quelles, sans aucune traduction.

Les frères Grimm ont constamment remanié leurs contes au gré des sept éditions successives qu’ils ont fait paraître de leur vivant. Elles sont toutes en ligne sur le Wikipedia germanophone. J’ai choisi de travailler à partir de la septième édition, pensant que ce devait être celle que les auteurs eux-mêmes jugeaient la mieux achevée. N’ayant pas trouvé de traduction libre de droits qui me convienne, j’ai opéré moi-même leur traduction de l’allemand vers le français, avec le souci constant d’être le plus fidèle possible au texte originel.

Comme de nombreux éditeurs, j’ai utilisé la traduction que David Soldi a effectuée entre 1856 et 1861 des contes d’Andersen. Je l’ai très peu modifiée, d’une part parce que je la trouve écrite dans une très belle langue à laquelle, à mon avis, il est de notre devoir de confronter nos élèves, d’autre part parce qu’elle a été tant de fois utilisée et reprise par les éditeurs français qu’elle peut être considérée, en quelque sorte, comme la version francophone originelle.

Comment sont choisis les mots dits compliqués ?

Là ce sont mes quinze années d’enseignement devant des élèves de CE2, CM1 et CM2 qui parlent ! J’ai lu et relu des dizaines de fois chaque ligne de ces contes, pour tenter de ne pas laisser échapper un seul mot qui pourrait poser des difficultés de compréhension, au moins dans le contexte particulier dans lequel il est employé, à l’élève au registre lexical le plus réduit.

Ah làlà, c’est bien un maître d’école ! Ça papote et ça papote pour notre plus grand bonheur ! Voici la deuxième (et dernière) partie de son interview.

Dossier Les Classiques, Contes et Merveilles
Il était une fois, le maître d’école…
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