Aliment et santé (alisanté ?)

Mosaïques : HumanusScience

dimanche 27 avril 2008

Il ne passe pas un mois sans que je ne lise des articles ou des brèves sur le cancer et son rapport avec la nourriture. Au point que j’en suis agacé. Voire inquiet sur la notion même de la nourriture car elle subit une évolution importante dans notre société médicalisée parfois à l’extrême. Dans la profusion des résultats, dans les recommandations des experts qui se contredisent, il est difficile de s’y retrouver sans perdre son chat. Pour cette raison, je salue le dossier Aliments et cancer du magazine Sciences et Avenir (n°734, avril 2008). Il fait le point sur les travaux d’un groupe d’expert internationaux qui a examiné les liens entre alimentation et cancer à partir de 7000 études. Il en ressort, sans entrer dans les détails, qu’il existe bel et bien une influence de l’alimentation sur l’évolution des différents types de tumeurs. Il confirme l’importance d’une alimentation équilibrée et de la pratique d’un exercice régulier, même modéré.

Précisons que les cancers ne proviennent pas d’aliments cancérigènes car ces derniers n’existent pas. ils sont le résultat d’un excès : là est toute la nuance. Nous ne parlons que des probabilités sur l’effet d’un aliment et non de certitudes. Malgré cela, ces probabilités ne doivent pas être négligées. Certains vont beaucoup plus loin en traquant les aliments qui agissent contre le cancer. Telle est la démarche du Dr Béliveau : avec son équipe à Montréal, il traque les substances phytochimiques anticancer dans nos assiettes afin d’établir une carte alimentaire préventive. Légumes, fruits, viande… son broyés pour en extraire les molécules essentielles qui pourraient agir sur le cancer. Des tests sur des cellules tumorales en culture sont effectués ensuite.

Les origines d’un cancer sont multiples : il existe une part génétique mais aussi une part de l’influence de l’environnement dont l’alimentation. De ce constat découle l’importance de notre mode de vie. Changer notre manière de vivre reviendrait à améliorer notre santé. Ce qui n’est pas faux si l’on regarde les effets du tabac et de l’alcool, pour ne citer que les plus célèbres. Ou bien si l’on observe l’augmentation du taux d’obésité dans la population française à cause de notre sédentarisation (peu de marche à pied, se vautrer devant la télé…), de la « malbouffe » (fast-foods, surgelés, grignotages, peu de légumes…). D’où les nombreuses campagnes de sensibilisation sur ces thèmes dans la logique de la prévention.

Tout cela est très bien et je ne peux qu’encourager toutes les recherches sur le cancer, sur l’influence de l’alimentation et sur l’analyse de notre mode de vie. Je n’en reste pas moins inquiet car je remarque une évolution de notre perception sur la nourriture. Maintenant, nous mangeons parce que c’est bon pour la santé. Nous mangeons équilibré dans l’espoir de ne pas avoir de cancer dans les années à venir. Nous mangeons moins pour éviter de grossir. Il faut manger des fruits et des légumes pour ne pas avoir de problème. Une disposition d’esprit propice aux dérives inquiétantes : la nourriture devient un médicament qu’il faut prendre tous les jours sous peine d’avoir des soucis de santé ! Je vais trop loin ? Pourtant les entreprises vendent déjà depuis des années des produits qui vous promettent moult merveilles ! Pauvres consommateurs aveugles devant l’évidence ! Malheureux consommateurs sans conscience propre et contraints de vider leur portefeuille pour booster le pouvoir d’achat ! Pensez aux céréales du matin qui vous garantissent un déjeuner équilibré avec plein de vitamines à gogo. Je vous ai concocté une petite sélection des arguments marketing qui reviennent le plus souvent.

YOPLAIT RENFORCE est un yaourt à boire qui se propose de « renforcer nos défenses naturelles ». En plus de ferments lactiques classiques du yaourt, il contient une « bonne » bactérie : le Bifidobacterium Lactis dont les bénéfices semblent attestés par de nombreuses études. L’association des trois ferments permettrait de développer une flore intestinale optimale, ce qui aide à lutter contre les bactéries pathogènes et stimulerait le système immunitaire.
[Source extrait]

TAILLEFINE est source de calcium, il cible les femmes dans le but d’entretenir leur capital osseux sans nuire à leur capital minceur.
[Source extrait]

ST HUBERT spécialités laitières contient des acides gras essentiels qui sont bien connus pour leurs vertus pour le cœur, et agiraient également sur l’équilibre émotionnel. Or l’huile de colza, avec celle de soja et celle de noix, est l’une des plus riches en Oméga 3.
[Source extrait : lien cassé]

Yaourt aux boulons avec mention sur l'étiquette : Boîte à outils au lait de Écrou hexagonal
[Source image]

Tous ces produits sont désignés par un même terme : l’alicament (contraction de « aliment » et « médicament »). Alicament, aliment fonctionnel, aliment de santé… Tous ne reposent pas sur des études scientifiques fiables même s’il est mentionné sur les étiquettes. Aucune preuve véritable ne peut être fournie. Oui, je suis inquiet devant cette dérive qui nous fait perdre la notion même de la nutrition. Savez vous ce que c’est ? Du point de vue biologique, la nutrition désigne le processus qui permet aux aliments d’êtres absorbés puis assimilés afin d’assurer la survie d’un organisme vivant. Autrement dit, la nutrition est la fonction de digestion et d’assimilation des aliments et elle met en jeu tous les organes nécessaires (dents, salive, estomac, intestin grêle…). Surtout, nous oublions un paramètre Ô combien primordiale ! Le plaisir de manger. Je ne vois, dans aucune des recommandations, ce plaisir inoubliable qui réveille et excite nos papilles gustatives. Manger est avant tout un acte social. Manger est le fruit d’une évolution culturelle spécifique à chaque civilisation. Oublier cette évidence est grave car nous ne concentrons plus que sur les aliments, les molécules au détriment de l’individu et, plus généralement, de la collectivité. Nous mangeons différemment selon notre culture, notre niveau social et, enfin, de nos goûts personnels.

Je vous le dis et redis, je suis inquiet devant la perte du plaisir de manger. Oui, je suis entièrement d’accord sur les campagnes de sensibilisation d’une alimentation équilibrée à condition que le plaisir soit intégré. Sans plaisir, pas de motivation, juste la contrainte et la culpabilité. Faites également attention aux charlatans et aux profiteurs de tous poils qui vous sacrifient sur l’autel de l’argent et du business. De consommateurs, devenez dégustateurs !

Plus de détails…

Sur l’alimentation et le cancer

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Sur les alicaments

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