Connaissez vous les trognes ? Je les ai découverts le weekend dernier grâce aux beaux-parents (qui ont aussi une drôle de trogne mais chut !). Peut être que vous êtes plus familier avec les termes suivants : têtard, truisse, chapoule, ragosse, ou trognard ? Ils varient selon les régions mais ces noms rigolos désignent tous un arbre qui a connu un traitement régulier : la taille au niveau du tronc ou des branches maitresses à un niveau plus ou moins élevé pour provoquer le développement des repousses végétales aux mêmes points de coupe. Le résultat est un arbre à la tête disproportionné à cause du développement de nombreux bourrelets de cicatrices consécutifs. L’arbre ressemble à une larve de batracien d’où le surnom du têtard ou de la trogne. La taille, qui a lieu tous les 4-5 ans permet de prélever, entre autre, du bois pour le chauffage, la cuisson des aliments, les usages domestiques (piquets, manche d’outils)…

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En zone d’élevage, les trognes étaient alignés pour marquer les limites des parcelles de culture et éviter que les jeunes pousses ne soient consommés par le bétail. Ils fournissaient un apport précieux dans la vie de tous les jours du petit paysan, surtout quand les forêts étaient interdites ou absentes ! L’histoire des trognes remonte à des temps lointains et certains arbres ont été taillés pendant des décennies, voire des siècles ! Malheureusement, il fut regardé d’un mauvais œil depuis la seconde guerre mondiale qui est aussi le début de l’agriculture intensive caractérisée par de grandes parcelles. L’arbre gêne plus qu’il n’aide. Sa disparition est quasi inévitable… Pratiquement aucun trogne n’a été créée depuis 50 ans pour remplacer celles qui disparaissent. Celles qui restent ne sont plus entretenues et abandonnées à leur sorte…

Sauf que ! Une association a décidé de reprendre la situation en main au point d’avoir organisé le centre européen des trognes à Boursay (Loir-et-Cher), dans les locaux de la Maison Botanique. Les buts de l’association sont multiples mais elles visent tous à la sauvegarde d’un patrimoine. Le mot n’est pas trop fort car les trognes sont le témoignage d’une longue relation avec l’homme et surtout ils sont la trace d’un mode de vie du paysan !

Pour cela, ils essaient de sauvegarder les trognes qui restent et d’en créer des nouvelles. Sans compter qu’il reste encore à sensibiliser le milieu rural et urbain avant de mettre en pratique la taille régulière. L’autre raison est que les trognes constituent un véritable écosystème : au fil des ans, elles deviennent creux et abritent des espèces menacées de disparition : scarabées (pique-prune), oiseaux (chouette-chevêche). N’oubliez pas que l’agriculture intensive a entrainé une grande d’homogénéisation qui est fatale à long terme car les plantes deviennent fragiles face aux maladies faute d’un brassage génétique suffisant. Ce brassage n’est possible en présence d’une grande diversité au sein d’un écosystème… Les trognes sont un peu partout mais vous pouvez visiter le chemin des Trognes à Boursay.

Oh, oh
La trogne la trogne
Que l’on a oublié au fond des champs
Que l’on a oublié au fond des bois
Recouverte par le lierre
Recouverte par les mauvaises herbes
Cicatrisée de partout
Cicatrices boursouflés, distordus

Oh, oh la bonne vieille trogne !
Celle qui nous fournissait le bois
Celle qui nous fournissait le fourrage
Égayant le paysage par sa présence
Égayant les passants par son étrangeté
Où l’est-elle passée maintenant ?
L’a-t-elle disparue à jamais ?
Oh, oh la trogne la trogne
La bonne vieille trogne !