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Mosaïques : En vracMôa ! Et vous...

jeudi 7 juin 2012

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A. La retranscription écrite des dialogues

Contrairement aux films étrangers en VOST, le sous-titrage destiné aux publics sourds et malentendants n’est pas une traduction mais une retranscription écrite des dialogues. Il suffirait donc d’écrire ce qui est dit mais ce n’est souvent pas le cas pour une raison principale : la vitesse de parole est supérieure à la vitesse de lecture d’un texte. Si nous voulons tout retranscrire, il faudrait soit augmenter le défilement des phrases, soit caser plus de lignes. Dans les deux cas, le spectateur est lésé faute de ne pouvoir tout suivre. Cette contrainte augmente avec le nombre de locuteurs, dans un groupe par exemple. La solution consiste à retirer des mots ou modifier les phrases à condition de garder le sens et le ton des paroles tout en maintenant un rythme fluide.

Seulement, cette astuce donne aux spectateurs sourds et malentendants l’impression désagréable d’être « pris pour des débiles » ou « d’avoir un QI inférieur ». Ceci vient du fait qu’ils connaissent mal, voire pas du tout, le métier du sous-titreur qui nécessite une rigueur pour produire un sous-titrage de qualité malgré les nombreuses contraintes techniques et linguistiques. Le sentiment d’être pris pour des débiles vient également du fait que les personnes sourdes et malentendantes sont parfois confrontées à des interlocuteurs qui leur parlent en « petit nègre » avec des gestes. L’autre caractéristique est le faible niveau de français écrit pour beaucoup de personnes sourdes et il serait tentant de simplifier en des phrases courtes avec des mots faciles, un peu comme pour les enfants.

L’intention est louable mais catastrophique car elle pénalise les personnes sourdes et malentendantes ayant un bon niveau de français écrit et elle empêche les autres de s’améliorer. Pour faire une analogie, il est exigé des interprètes en LSF (Langue des Signes Française) qu’ils fassent une traduction français/LSF de la meilleur qualité qui soit. Cette exigence de qualité permet de tirer vers le haut l’ensemble des auditeurs, qu’ils maîtrisent bien la LSF ou pas. Il est donc très important de réclamer cette même exigence de qualité pour le sous-titrage destiné à la population sourde. Le niveau de français général ne peut que s’améliorer, à l’instar du Minitel. En effet, l’emploi intensif du minitel dialogue (3618) à une époque où Internet n’existait pas a permis à beaucoup de personnes sourdes d’améliorer leur français. Ne dit-on pas qu’il faut pratiquer pour progresser ?

Pour leur permettre cette progression, il est donc primordial de ne pas simplifier les dialogues dans les sous-titres. Si la vitesse de parole est trop élevée pour tout retranscrire à l’écrit, à cette condition seulement il est possible de synthétiser les propos pour que le tout rentre dans deux lignes de 36 caractères maximum. Par exemple, remplacer la phrase « un donjon inexpugnable » par « un donjon imprenable » consiste à simplifier le sens sans aucune raison. Même chose pour « un cénotaphe » par « un tombeau qui ne contient pas de corps ». Synthétiser et simplifier sont deux actions distinctes : ce qui est compliqué pour une personne entendante doit l’être aussi pour une personne sourde ou malentendante.

Ainsi, le sous-titreur professionnel ne doit en aucun rabaisser ce niveau sauf pour des réelles contraintes techniques et linguistiques. Malheureusement, encore une fois, ce n’est pas toujours le cas. En voici un exemple parmi d’autres : dans un passage du film Intouchables, Yvonne discute tranquillement avec Driss. A un moment donné, elle lui dit : L’espoir fait vivre. Dans le sous-titrage, il est marqué Gardez espoir. Ce changement n’est pas justifié car il y avait largement le temps de caser la phrase « L’espoir fait vivre » et l’autre phrase « Gardez espoir » n’est pas significativement plus courte. Pourquoi cette modification sans raison ? Nous ne savons pas vraiment mais elle est révélatrice du chemin qui reste encore à faire pour obtenir systématiquement un sous-titrage de qualité.

Une autre situation a fait grincer des dents lors de la rediffusion du film Titanic à la télévision, à l’occasion des 100 ans du naufrage. Jack, dans la version originale, dit : « I’m the king of the world !. Mais le sous-titre de la version française était : Je suis le maître du monde !. Cette différence s’explique par le fait que le sous-titreur professionnel se base uniquement sur la traduction française du film et non sur la langue d’origine. Les métiers de traducteur et de sous-titreur sont différents. Ainsi, dans cette rediffusion, Jack a dit « Je suis le maître du monde ! » au lieu de « Je suis le roi du monde ! » et le sous-titre retranscrit fidèlement les paroles françaises. Le décalage vient alors d’une mauvaise traduction et non d’un mauvais sous-titrage.

Alors, qu’est-ce qu’une retranscription de qualité ?

– Premièrement, c’est écrire tout ce qui est dit à l’écran, sans changer quoi que ce soit. S’il est prononcé « J’vais te casser la gueule », merci de ne pas écrire « Je vais vous donner une leçon ». Même chose pour les onomatopées comme « Ouais, ben tu vois, là paf ! » à retranscrire comme tel sans modification. Cette remarque s’applique aussi pour les accents des personnages, surtout quand ils contribuent à l’effet comique. Le DVD Les Ch’tis propose un sous-titrage pour sourds et malentendants qui montrer l’accent Ch’ti dans les passages correspondants. Cette initiative reste rare et doit être encouragée !


[Source image : lien cassé]

– Souvent, dans les films étrangers en VOST, les mots comme yes, no ou les prénoms des protagonistes ne sont pas sous-titrés puisque les spectateurs les entendent mais pas les sourds qui ratent alors des informations. Le sous-titrage pour les personnes sourdes et malentendants est donc bien de retranscrire tout ce qui est dit et fidèlement, nous ne le répéterons jamais assez !

– Si vraiment, la vitesse orale empêche une transcription complète, à ce moment et seulement à ce moment là, les propos peuvent être synthétisés (et non simplifiés!) mais le sens et le ton des paroles doivent être respectés tout en gardant un rythme fluide.

En résumé, un bon sous-titrage doit être plus fidèle possible mais suffisamment adapté pour qu’un lecteur moyen ait le temps de lire confortablement et qu’un spectateur entendant ait l’impression qu’il n’y a pas eu d’adaptation, que les propos ont été retranscrits dans leur intégralité.

B. La description de l’ambiance sonore

Le sous-titrage pour sourds et malentendants a pour particularité de décrire l’ambiance sonore du film, quelle qu’elle soit : la musique, le téléphone qui sonne, les pas qui crissent sur le gravier, les coups de fusils, la porte qui claque hors du champ de vision… N’indiquez pas seulement la présence d’un bruit, décrivez aussi leur intensité et leur style. A savoir : « Tonnerre d’applaudissements », « Rire éclatant », « Sanglots étouffés » plutôt que « Applaudissements », « Rires », « Pleurs ». Il existe plusieurs manières de décrire un son. « Un téléphone sonne », « Une femme crie derrière la porte » sont les descriptions les plus classiques. Aviez-vous pensé qu’il est possible d’écrire : « sonnerie de téléphone », « [Téléphone] » ou « Cri de femme » ? De manière plus générale, il est recommandé d’éviter les phrases pour décrire les sons et les bruits afin de les distinguer facilement des dialogues.

Pour la musique, si le morceau est connu, son titre est indiqué ainsi que son compositeur : [Confutatis, Requiem de Mozart]. Sinon, nous nous attachons à donner le style musical : « Musique de chambre », « Flamenco », « Rock ». En théorie, les paroles des chansons sont retranscrites mais en réalité, c’est rarement le cas et c’est très énervant de rater une partie de l’ambiance du film. Si les paroles sont en langue étrangère, la retranscription doit respecter la langue d’origine et non la traduire. Même chose dans les dialogues avec l’emploi de mots ou de phrases étrangères. Cette exigence se retrouve également dans l’autre sens où de nombreux films en VOST ne sous-titrent pas les passages en français, au détriment des publics sourds et malentendants (exemple : Inglorious Basterds).

Il ne s’agit pas non plus de décrire tous les sons sinon l’image est chargée pour rien. Seulement ceux qui participent à la texture et à la compréhension du film. Pour démontrer l’importance de décrire les sons, prenons le film Dead Man où deux tueurs poursuivent un homme. Ils sont autour d’un feu, la caméra s’éloigne et un coup de feu éclate dans la pénombre. Plan suivant : un des tueurs mange de la chair humaine. Si le coup de feu n’est pas décrit, il est plus difficile à comprendre qu’il s’agit de chair humaine et que l’autre tueur a été assassiné.

Un élément très agaçant dans le sous-titrage est la présence des pointillés « … » pour montrer qu’une musique est en cours. C’est agaçant car l’œil est attiré par ces pointillés qui ne délivrent pas d’information utile pendant la musique jouée. Cela met les spectateurs sourds et malentendants sur le qui-vive pour rien. Ils sont focalisés dessus au détriment de l’image car ils s’attendent à un événement. Il serait plus pertinent de les faire apparaître seulement au début de la musique puis de ne plus les afficher mais cela reste un avis personnel. Ces pointillés sont également employés pour indiquer que personne ne parle pendant un moment (à partir de 20 secondes de silence). A l’origine, c’était pour éviter que les spectateurs sourds et malentendants ne croient que le sous-titrage était en panne. Là encore, il est plus simple de s’en passer car nous pouvons voir que personne ne parle. Par contre, si les spectateurs sourds voient des gens parler sans que leurs paroles soient comprises par les spectateurs entendants (à travers une vitre, dans la foule…), les pointillés délivrent une information pertinente (ou encore mettre « brouhaha » si trop de bruit, etc).

L’ambiance sonore est toujours riche et il peut être complexe de la décrire sans que la personne sourde s’y perde. Pour cette raison, il est conseillé d’utiliser le code de couleurs pour les films en couleurs ou le sous-titrage anglais pour sourds et malentendants aussi bien pour les films en noir et blanc que pour ceux en couleurs. Déterminez aussi quels sont les sons qui apportent une information pertinente au film. Certains peuvent ne pas paraître importants sur le coup, mais être cruciaux pour la compréhension du dénouement du film.

C. La position du sous-titrage

Comme indiqué dans le chapitre ci-dessus, le sous-titrage apparaît dans la partie inférieure de l’écran, qu’il soit en roll-up ou en pop-on. L’idéal est de positionner le sous-titrage sous la vidéo afin de profiter à la fois du texte et de l’image. Si ce n’est pas le cas, placer alors les sous-titres bien en bas de l’écran afin de minimiser la place du texte sur l’image.

Il suffit d’utiliser son bon sens sans sortir règles et mesures précises pour déterminer le bon emplacement. Et pourtant… Cet extrait du film « Les tontons flingueurs » prouve que le bon sens fait parfois défaut. Le sous-titre est placé juste sous le nez de Lino Ventura. Quoi de plus agaçant alors qu’il y a une bonne marge en dessous du texte ?


[Capture d’écran]

La position par défaut du sous-titre est en bas au centre de l’écran, avec un alignement de texte à gauche. Il est recommandé de placer le sous-titre sous la source sonore et sous la personne qui parle. Si celles-ci ne sont pas identifiées, le texte est à nouveau centré sur l’écran.

D. Autres paramètres plus techniques

D’autres paramètres régulent la qualité du sous-titrage à destination des personnes sourdes et malentendantes. Vous trouverez la liste complète dans cet article : L’accessibilité des programmes à la télévision pour les sourds et malentendants.

Par exemple :

  • La police de caractère utilisée est Helvetica 28.
  • Un astérisque (*) est utilisé pour tous les sons provenant de haut-parleur, radio, télévision, téléphone, etc. L’astérisque sera de la couleur du sous-titre.
  • Le changement de locuteur dans les dialogues est indiqué par le tiret cadratin ‘—‘ (ne pas mettre d’espace après le tiret pour ne pas perdre inutilement un caractère).

Et bien sûr, le respect absolu des règles d’orthographe, de grammaire et de conjugaison de la langue française ! C’est bête à dire mais de nombreux sous-titres sont truffés de fautes qui feraient rougir même un élève.

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5 Pierrot ont pris leur plume. Et toi ?

  1. Kley

    Très intéressant ces articles ! 😉
    Mais pourquoi la parole serait-elle plus rapide que la lecture ? Pour moi c’est le contraire, surtout avec le sous-titrage, on est souvent en avance sur la parole puisqu’on peut lire la phrase d’un coup quand la personne en est encore à articuler les premiers mots… et hop, on attend qu’elle ait fini de parler pour avoir la ligne suivante du sous-titrage. Ou même on ne jette que de brefs coups d’oeil au stt tout en regardant le film…

    Quelqu’un qui pratique souvent devrait pouvoir lire plus vite qu’on ne parle… mais peut-être que ce n’est pas le cas pour beaucoup de monde, ce dont je parle là 😕

    Je préfère regarder la VOST, car c’est mieux. les yes, no et cie, c’est peut-être pas sous-titré, mais ça se voit sur les lèvres des acteurs… et les bruits, bof, on les devine à la réaction des acteurs aussi :mrgreen:

    vendredi 8 juin 2012 à 8 h 49 min
  2. Kley

    Juste un truc avec la VOST qui peut poser problème comme la fin du film japonais Tabou, où on voyait un homme couper un cerisier puis rester silencieux pendant un long moment… et hop, the end. Quelqu’un m’a expliqué plus tard qu’on entendait un homme se faire tuer hors caméra, d’où la conclusion du film, mais ce genre de trucs, c’est assez rare quand même 🙂

    vendredi 8 juin 2012 à 8 h 50 min
  3. Sirtin

    Parce que le débit de parole est supérieure au débit de lecture et les informations sont perçues plus rapidement. Après, tu fais sans doute partie des bons, voire très bon lecteurs pour qui une phrase est perçue dans sa globalité. Ce qui n’est pas forcément le cas pour ceux qui lisent peu ou qui maîtrisent mal le français écrit.

    Prends aussi la situation d’un dialogue en groupe : les paroles peuvent être perçues d’une manière ou d’un autre mais si tu fais plusieurs sous-titrages en simultané, tu es vite perdue. Qui parle à qui ? Regarde cette vidé pour mieux comprendre : Sous-titreur = un métier ?

    Justement, il arrive souvent que le yes, no ou autre ne soient pas perçus visuellement car hors-champ. Comment peux tu le savoir ? D’autant plus que tu peux être focalisé par une image au détriment des acteurs. Même chose pour les bruits, il y a beaucoup de film dont le bruit participe à l’ambiance et qu’il est dommage de rater. Il y ce film que tu cites mais aussi La nuit du chasseur où un homme assassine son compagnon de route puis le mange mais cet assassinat se fait dans la nuit, juste indiqué par un coup de feu. Sans ce bruit, la scène n’est pas très claire.

    Ou bien Il était une fois dans l’ouest où la musique, paraît-il sublime les face-à-face, autant le savoir. Bref, jeune padawan, des choses encore à découvrir tu auras, tout comme moi !
    😛

    vendredi 8 juin 2012 à 10 h 59 min
  4. Marion

    Les sous-titreurs sont soumis aux normes dictées par soit les chaînes, soit les labos en charge de réaliser le sous-titrage sourds et malentendants. Toutes ces remarques sont bien sûr fort justes mais les sous-titreurs professionnels ne font pas ce qu’ils veulent, bien au contraire, ils doivent se plier à ces normes !

    Juste une remarque, toutefois, sur un point de l’article :
    « Jack, dans la version originale, dit : « « I’m the king of the world ! ». Mais le sous-titre de la version française était : « Je suis le maître du monde ! ». […] Ainsi, dans cette rediffusion, Jack a dit « Je suis le maître du monde ! » au lieu de « Je suis le roi du monde ! » et le sous-titre retranscrit fidèlement les paroles françaises. Le décalage vient alors d’une mauvaise traduction et non d’un mauvais sous-titrage. »

    « Je suis le maître du monde » pour « I’m the king of the world » n’est pas une « mauvaise traduction ». Le but, en sous-titrage et en doublage, c’est de faire de l’adaptation, et non de la traduction littérale, afin que les dialogues soient le plus parlant possible pour un téléspectateur francophone. Or en français, on dira plus naturellement « je suis le maître du monde ! » que « Je suis le roi du monde ! ».

    vendredi 19 juin 2015 à 17 h 59 min
  5. Sirtin

    Merci pour les précisions et effectivement la marge des sous-titreurs est réduite. Il y a parfois un décalage entre les attentes du public sourd et malentendant et les normes de sous-titrage qui ont été établi par… qui ?

    dimanche 21 juin 2015 à 18 h 22 min

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