Après l’allumette et le soufre, j’ai découvert un autre procédé pour assainir les chiottes après le bombardement à la « Pearl Harbor » : le papier d’Arménie ! Il s’agit d’une sorte de carnet contenant des lamelles de papier brun réunies par trois et dégageant une odeur agréable.

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Mieux : il suffit de détacher une lamelle, de la plier en accordéon avant de la poser sur une soucoupe puis de l’allumer en soufflant doucement pour éviter de l’enflammer (combustion lente indispensable). Que se passe-t-il ? Une odeur assez forte et mirifique se dégage dans la pièce, une odeur qui évoque l’encens et nous transporte dans l’Asie à bord de notre petite fusée Ariane 5.

C’est que le papier d’Arménie est un des plus anciens désodorisants. Mis au point en 1885 dans un petit laboratoire de Montrouge par Auguste Ponsot, il sert à ôter les mauvaises odeurs des toilettes mais aussi de cuisine, de tabac, d’animaux, etc. Il peut parfumer les placards et tiroirs, servir d’anti-mites, procurer une certaine atmosphère dans la maison (ou la chambre…) et tout cela pour un prix modique. Le papier d’Arménie est toujours fabriqué par le même laboratoire et la même famille, la recette jalousement gardée n’a pas changé au fil du siècle. Cependant, on sait que les lamelles de papier sont composées essentiellement de benjoin, une résine cristalline provenant du styrax, un arbre du Laos (d’où l’Asie).

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Or, le principal composant du benjoin (liquéfié, mélangé à d’autres essences naturelles et fixé sur papier buvard) est l’acide benzoïque ainsi qu’un zeste de vanilline. Je suppose qu’en brulant doucement le papier d’Arménie, nous déclenchons une réaction chimique dans le benjoin qui conduit à la formation et à la libération de l’acide benzoïque, une molécule fortement odorante et le soupçon d’odeur vanillée provient de la vanilline.

Voilà, tu sais tout ! Sachant que la matière lestée élève l’esprit, tu peux songer à ces vers de Baudelaire chaque fois que tu brûles un peu de papier d’Arménie, histoire de joindre les plaisir charnel et spirituel :

Correspondances
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent,
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

En savoir plus…
– Benjoin (styrax), sublimation et cristallisation
– Acide benzoïque