Que nous apprennent les vaches hublot ?

Mosaïques : CogitationsScience

mardi 16 décembre 2008


[Source vidéo]

Cette vidéo est l’objet d’un buzz. Elle passe dans beaucoup de blogs en suscitant un vif débat sur l’intérêt de cette pratique et sur la souffrance supposée de l’animal. Moi-même, je fus éberlué en la regardant. Désireux d’en savoir plus, je tombe sur cet article de Rue89 : Des « vaches à hublot » pour regarder passer les chercheurs.

« Vaches à hublot » : voici une expression qui est déjà populaire bien que le terme technique est « vaches fistulées ». D’après l’auteur de l’article, cette technique existe déjà depuis les années 70. Plus intéressant, le deuxième commentaire nous explique en schéma comment faire pour obtenir une vache hublot. Je me suis permis de reprendre son explication et son dessin (qu’il en soit remercié pour sa pédagogie !).

L’intérieur du rumen et de tout l’intestin, en fait, c’est une sorte de peau – qui a juste la capacité d’absorber des nutriments. Alors bon, on fait un trou, et pis on recoud la peau extérieure à la peau intérieure. Et voilà, une fois cicatrisé, c’est comme si de rien n’était, il n’y a à aucun endroit de chair à vif. Et on rajoute un bouchon pour que ça coule pas de trop. D’ailleurs, y’à déjà deux endroits où cette « peau intérieure » est naturellement reliée à la peau extérieure : oui oui, votre bouche et votre anus. Un petit dessin :

Ainsi, ce que nous voyons à travers le trou est le rumen de la vache et l’espèce de vomi vert, les fourrages en cours de digestion. Toujours en se basant sur ce commentaire, les vaches ne souffrent pas et se portent comme un charme. Ce qui n’empêche pas à beaucoup d’internautes de s’exclamer : Quel intérêt de faire un trou à la pôv’ bête ?!.

Il s’agit en fait d’une expérience qui vise à mieux comprendre les mécanismes mis en action pendant la digestion des vaches. L’enjeu est de taille, sachant que les gaz émis par les vaches (300 à 500 grammes de méthane par jour) représentent 15% du méthane produit, un gaz à effet de serre vingt fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Or, la part de l’élevage dans les émissions de gaz à effet de serre est de l’ordre de 20%, bien devant la contribution des transports. Les chercheurs veulent donc réduite les rejets de méthane par les vaches en tenant de mieux comprendre le processus de leur digestion. D’où l’existence des vaches fistulées.

Je vous conseille d’ailleurs de lire l’article de Science & Vie du mois de décembre 2008 qui donne des détails sur les différentes pistes. Ce qui m’a frappé est qu’aucune mention n’est faite sur les vaches hublot. Bien qu’un schéma montrant un trou soit présent. Je trouve tout cela très curieux, comme si l’on ne montrait pas tout pour éviter de choquer le lecteur. Une impression renforcée devant la réaction des internautes.

Voyez-vous, même si l’expérience est animé d’un noble but, je ne peux m’empêcher de me poser des questions devant le protocole effectué. Est-il vraiment nécessaire de faire un trou aux vaches ? N’avait-il pas une autre alternative et tout aussi efficace ? Il est des jours où la science me met mal à l’aise et c’est le cas aujourd’hui car elle touche aux limites de l’éthique. Notamment à travers l’expérimentation animale qui est un sujet délicat. Chercheurs, avez-vous bien conscience de ce que vous faîtes en vous retranchant derrière la quête du savoir ? En n’expliquant pas ou prou le principe des vaches fistulées, le buzz a des fortes chances de se propager. La vidéo devrait donner à réflexion car elle dévoile une fracture et une incompréhension entre vous, chercheurs, et nous, internautes (moi compris).

En savoir plus…
– Il est temps de réduire les gaz du bétail,
Science & Vie – décembre 2008 – n°1095 – p 70.
Réduire la production de méthane chez les ruminants

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12 Pierrot ont pris leur plume. Et toi ?

  1. Muriel

    Sirtin !

    Mon Dieu !! Quel est cet horrible spectacle ? Impossible de regarder plus de 5 sc. Bon, je vais essayer de me remettre de mes émotions puis de lire les textes. cela m’a l’air qd même intéressant ;o)

    A plus.

    Muriel.

    mercredi 17 décembre 2008 à 20 h 44 min
  2. Ta réaction illustre à merveille mon billet.
    Merci pour ton exemple, héhé.

    😉

    jeudi 18 décembre 2008 à 12 h 50 min
  3. Je crois bien que les vaches à hublot existaient bien avant que l’on parle d’étudier la production de méthane dans le cadre du changement climatique; la panse des ruminants est un écosystème incroyablement complexe d’un point de vue microbien avec des tas de réseaux trophiques (donc intéressant d’un point de vue fondamental), et le comprendre, tout bêtement, ça permet aussi de nourrir les vaches plus efficacement.

    On peut bien sûr faire autrement pour accéder à la panse de la vache: passer par la bouche avec un tube. A mon avis, c’est plus confortable que le hublot pour les humains, mais moins pour la vache.

    vendredi 20 mars 2009 à 17 h 27 min
  4. Je veux bien te croire sur l’étude de la flore microbienne dans la panse des ruminants. Malheureusement, je n’ai pas trouvé grand chose sur le Net.

    Nourrir les vaches plus efficacement ? Du point de vue de la production de méthane ou de la production de lait ou de la qualité de la viande ?

    Je ne comprends pas très bien: une fois le tube arrivé dans la panse, qu’en faire après ? Comment prélever ? Et tout ça…

    lundi 23 mars 2009 à 16 h 26 min
  5. nono

    Je me demande ce qui est le mieux ?
    – faire un trou dedans pour étudier sa digestion ?
    – ou la couper en tronçons pour la manger ?

    Décidément, c’est très paradoxal ce monde de malade. Certains vont s’offusquer de voir ce genre de vidéo, mais vont se lécher les babines devant un poulet mort décapité sous cellophane à carrouf, suivi de leur marmaille se mettant des doigts dans le nez devant la barbake serrant dans l’autre main une peluche en forme d’animal 100% polyester.

    Tiens, je vais aller me mater un abattage de cheval ou de veau, je ne sais pas encore ce que je vais manger ce soir…

    lundi 8 juin 2009 à 13 h 16 min
  6. La différence, p’têt, c’est l’animal est vivant quand on lui fait un trou et l’animal est mort quand on le mange (même si il faut le tuer pour ça…) ?

    mardi 9 juin 2009 à 23 h 19 min
  7. fanny

    ces vaches hublots servent à étudier l’efficacité de la digestion de la vache, en mesurant la proportion de nouriture digérée dans le rumen par rapport à la proportion ingérée. Cela permet en effet de déterminer les aliments les plus adaptés impliquant le moins de pertes.
    Ces expériences servent bien sûr à étudier les émissions de méthane mais peu de découvertes ont été faites là dessus. Je pense qu’on ne sait pas encore comment réduire significativement ces émissions.
    Mais ces expériences servent surtout à nourire de manière plus efficientes les vaches pour augmenter les productions (de viande ou de lait), toujours dans les plus brefs délais et en plus grandes quantités.
    Moralement, pour moi c’est délicat… je n’aime pas trop et c’est certain que jamais je ne ferai ça. Par contre, chaque fois que je mange de la viande bon marché, je peux me dire que c’est grâce à ce genre d’expériences entre autres qu’elle a été produite. Je pense seulment qu’il est dangereux d’affirmer prématurément une opinion sans savoir de quoi on parle, et sans considérer les implications que ça peut avoir.
    Et puis, moralement, les expériences sur les rats sont-elles mieux? Eux aussi sont vivants, et certains souffrent. Pourtant les découvertes qui en réultent nous donnent des médicaments et plein d’autres choses dont nous avons « besoin ».
    Tout ça est donc très intéressant… et sujet à de longues discussions!

    vendredi 26 juin 2009 à 12 h 18 min
  8. En gros, les vaches hublots ont pour objectif d’améliorer le rendement de production, mouais… Sinon, tu poses les bonnes questions et de toute manière l’expérimentation animale est toujours un thème sensible et porté sur la controverse.

    J’ai déjà décapité des rats vivants pour étudier leur cerveau au microscope. La première fois, je n’en menais pas large et vient ensuite l’habitude. Mais toujours cette même question: « est ce vraiment justifié ? ».

    Vaste débat !

    mercredi 1 juillet 2009 à 14 h 04 min
  9. Berti

    Je suis totalement d’accord avec « nono », et je trouve ta réponse, sirtin, d’une lourde hypocrisie, justement le paradoxe qu’il évoquait est que l’on ferme les yeux sur la cruauté exercée sur les animaux jour après jour, se dire que l’animal est déjà mort lorsqu’il se trouve dans ton assiette est d’autant pire.
    Ce que je trouve abhérrant, c’est que justement on vie dans un monde où les gens ne souhaitent pas regarder la réelle cause du problème et troubler leur petit confort et préfèrent ainsi rajouter des couches de souffrances et d’immoralité pour trouver des soit disant « solutions ». Le problème de la production de méthane dans l’élevage, c’est l’élevage en lui-même, la consommation excessive de viande. Mais ce serait si dure pour monsieur et madame de freiner sur le filet mignon, non continuons à produire des industries à génocide et arrangeons les divers problèmes qu’elles engendrent à coup de bistouris,… Tout ca me fait gerber!

    mardi 20 juillet 2010 à 14 h 15 min
  10. Sirtin

    Ce n’est pas faux ce que tu dis sur l’élevage intensif mais pourrais tu en dire plus sur « la cruauté exercée sur les animaux chaque jour » ?

    Je t’invite à parcourir mon billet sur l’atroce réalité de The Meatrix !

    jeudi 22 juillet 2010 à 23 h 23 min
  11. Pauline

    Attention, il y a une faute dans l’article: les vaches ne produisent pas 100kg de méthane par jour mais bien 300-500 grammes (pour des vaches laitières dans les pays développés) 😉

    jeudi 17 mars 2016 à 21 h 33 min
  12. Sirtin

    Oui, je me suis trompé et j’ai trouvé d’autres chiffres de 400 à 500 g par jour mais pas 1000 g !
    🙂

    samedi 19 mars 2016 à 14 h 40 min

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