Ayé ! Retenez bien cette date: 24 janvier 2008. Ayé ! Jour où le voilier scientifique Tara est enfin arrivé à bon port sur l’île du Spitzberg. Ayé ! La fin d’une formidable aventure tant sur le plan scientifique qu’humaine. Ayé !

Quelle aventure ? La dérive du voilier volontairement emprisonné dans les glaces de la banquise de l’Océan Arctique ! Départ au nord de la mer Laptev en septembre 2006 et arrivée à Spitzberg plus de 500 jours plus tard, soit environ 1 an et demi. Avec pour objectif l’étude et la compréhension des phénomènes liés à l’effet de serre dans les régions polaires. Ces dernières sont plus les sensibles et les plus affectées aux changements climatiques. Elles sont des véritables sirènes d’alarmes à condition de bien savoir leur implication dans la régulation thermique planétaire. En effet, la banquise fait office de bouclier thermique en réfléchissant 80% des rayons solaires reçus vers l’espace. Si elle disparaît, quelles en seront les conséquences sur l’environnement et sur les populations du Nord de l’Europe, de l’Amérique et de la Russie ?

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Ainsi Tara constitue une plate-forme scientifiques qui réunit les plus grands laboratoires polaires et océanographiques du monde. Dans le cadre du programme Damoclès de l’année polaire internationale, tous ensemble se serrent les coudes pour collecter des données précieuses qui fourniront des analyses plus fines des phénomènes climatiques dans les hautes altitudes. Quelles données ? Citons en vrac la basse atmosphère (enregistrement des températures, de la vitesse du vent…), l’océan (salinité, température, pression de l’eau…), l’albédo (pouvoir ré fléchisseur de la banquise), la glace (composition, caractéristiques de la neige…), etc.

Quelles sont les premières renseignements délivrées par ce voyage à travers la banquise ? Si le trajet du voilier Tara est plus long que celui de Fram, il est également plus rapide ! Une surprise de taille qui marque la communauté scientifique car l’accélération de la dérive dévoile d’un changement important du régime de la banquise. Notamment d’un amincissement de la banquise qui aurait perdu 50% de son épaisseur depuis une vingtaine d’années ! D’ici dix à quinze ans, la banquise risque de complètement disparaître en été. Plus précisément les glaces éternelles laisseront progressivement leur place aux glaces hivernales moins épaisses et plu fragiles. Un sacré bouleversement qui nous attend au coin du tournant. Acréd’dieu, bougeons nous les fesses !

[Source image : scan de la page 65 du magazine Sciences et avenir, n°733, Mars 2008]

• En rouge : trajet de Tara.
• En jaune : trajet de Fram (1ère dérive polaire de 1893 à 1986).
• Surprise : Tara réalisa un trajet plus long et plus rapide que Fram !

Au delà des premières conclusions pessimistes à juste titre, je suis profondément épaté et rêveur devant la volonté de l’équipage face à des conditions extrêmes. Températures allant jusqu’à -40°C fillette, vent puissant, résistance du matériel, isolement du monde, affrontement de la nuit arctique… Rien qu’à cette idée, j’en ai des fourmis aux pattes ! Je leur tire chapeau et je remercie l’équipage de Tara pour leur chronique mensuelle dans les pages du magazine Sciences et Avenir. Ces quelques mots réguliers qui m’auront fait partager leur incroyable aventure.

Petit rappel d’histoire
Construit en 1989 à l’initiative du médecin explorateur Jean-Louis Étienne, le voilier polaire Tara, initialement baptisé Antartica, a été conçu pour résister à la compression des glaces en mouvement et aux très basses températures. Les architectes français se sont inspirés du Fram, le navire du norvégien Fridtjof Nansen qui entreprit à la fin du XIXe siècle de se laisser dériver avec son bateau dans les courants arctiques. Tout comme le Fram, sa coque est plate et ronde, avec une structure renforcée, ce qui lui permet d’échapper à la compression de la banquise en glissant et en montant sur la glace.
[Source extrait]

En savoir plus...
– Expédition de Tara – site officiel
– Programme Damoclès