Le nord et le sud sont des repères relatives comme nous l’avions vu dans cet article précédent. Pire : les pôles magnétiques terrestres peuvent s’inverser ! Le pôle nord devient pôle sud et vice-versa. Cet événement a déjà eu lieu plus de 400 fois dans le passé. Les inversions magnétiques se produisent à un rythme irrégulier. Le phénomène en lui même s’étale en moyenne sur un intervalle d’environ 5000 ans. La période séparant deux inversions magnétiques est très variable : moins de 100 000 ans à des dizaines de millions d’années. La dernière se serait produite il y a environ 780 000 ans (les chiffres sont à manier avec précaution car elles sont le résultat d’un consensus dans la communauté scientifique et n’ont pas valeur de vérité immuable).

Lors de cette inversion, le champ géomagnétique est passé d’un état « inversé » (pôle nord au sud et pôle sud au nord) à l’état « normal » actuel (pôle nord au nord et pôle sud au sud). Les guillemets montrent bien que nous utilisons des conventions. Nos repères, bien que forts utiles, peuvent varier selon les sociétés et les époques. Dans ces conditions, prévoir les prochaines inversions du champ géomagnétique relève de la gageure. Précisons qu’elles semblent très longues à l’échelle humaines alors qu’elles seraient plutôt rapide à l’échelle géologique. Tout dépend du point de vue dans lequel nous nous plaçons.

Quelles sont les preuves des inversions magnétiques ?

Leur découverte a été faite en 1905 par Bernard Brunhes alors qu’il était le directeur de l’observatoire du Puy de Dôme à Clermont-Ferrand en Auvergne. Ce géophysicien avait alors mis en évidence que certaines roches, comme des coulées de lave, capables de garder en mémoire la direction du champ magnétique de la Terre à une époque donnée, indiquaient clairement qu’autrefois une boussole aurait pointé, non pas en direction du nord, mais bien vers le sud. Quelques années plus tard, le géophysicien Japonais Matuyama devait faire la même découverte, toujours sans convaincre la communauté scientifique. A partir des années 50, et surtout suite à la publication retentissante de Vines et Matthews en 1963, l’existence de séries d’inversions globales de l’orientation du champ magnétique terrestre s’est non seulement imposée mais s’est trouvée être au cœur de la confirmation de la théorie de la dérive des continents de Wegener. Une chronologie de ces inversions a été dressé comme on peut le voir ci-dessous :

[Source image et extrait : lien cassé]

Quelle est l’origine du champ magnétique terrestre ?

La Terre peut être comparée à un oignon. Elle est constituée de plusieurs couches successives : de la graine à la croûte (enveloppe externe) en passant par le noyau liquide et le manteau (inférieur, supérieur).

[Source image]

Le champ magnétique vient des entrailles de la Terre. Plus précisément du noyau liquide. Il est animé de mouvements de convection qui évacuent la chaleur vers le manteau en déplaçant la matière. De plus, ce noyau liquide de fer et de nickel est un excellent conducteur électrique. Soit deux conditions suffisantes pour qu’apparaisse l’ébauche d’un champ géomagnétique, il y a environ 3,5 millions d’années. Des courants électriques sont apparus dans la matière en mouvement et ces dernières ont engendré un champ magnétique. Lui même intensifie les courants électriques. Le phénomène s’est ainsi alimenté par un effet dynamo jusqu’à produire le champ actuel que nous connaissons. Il ne cessera qu’une fois le centre de la Terre refroidi (pas avant quelques millions d’années !).

D’où viennent les variations du champ géomagnétique ?

Voilà pour le principe. En réalité, ce domaine reste encore très mal connu. Le noyau liquide tourne en même temps que la Terre ou bien a-t-il sa propre rotation indépendante ? Les variations du champ géomagnétiques suivent les courants électriques ? Résultent-elles d’une interaction entre multiples facteurs ? Pourquoi le champ géomagnétique s’inverse au cours du temps ? Autant de questions qui n’ont pas de réponse claire vu la rareté et l’ambiguïté des observation. Actuellement, deux théories s’affrontent pour expliquer le phénomène d’inversion magnétique et le comportement des pôles magnétiques durant l’inversion.

• Une première théorie prédit que le champ magnétique demeure principalement dipolaire pendant une inversion et que les pôles migrent le long d’une trajectoire préférentielle d’un hémisphère à l’autre.
• La deuxième soutient que la portion dipôle du champ magnétique s’évanouit s’annule puis croît de nouveau avec une polarité inverse. Pendant la période où le champ dipolaire est nul, la portion non dipôle existe toujours et les pôles magnétiques ne migrent pas de façon systématique.

Une stimulation fut même effectuée.

Les trois images de gauche représentent une simulation de l’inversion du champ géomagnétique réalisée en 1995 par Gary Glatzmaier et Paul Roberts au Pittsburgh Supercomputing Center de Los Alamos. Avant l’inversion, les lignes de force du champ magnétique s’élèvent au-dessus du pôle magnétique nord, s’incurvent autour de la Terre et plongent dans le pôle magnétique sud (gauche). La zone de transition dure environ 1000 ans (centre). Le champ magnétique se rétablit ensuite avec une inversion des polarités (droite). Bien que les auteurs aient étendu leur simulation sur plus de 200 000 ans ils n’ont pas observé de nouvelle inversion. Mais avec une seule expérience à analyser et des paramètres sous caution, les scientifiques sont encore bien en peine de déterminer l’exactitude de ce modèle et les raisons de ce phénomène.[…].
[Source image et extrait]

Nous pouvons être certain d’une chose : le champ géomagnétique est tout sauf stable ! Le pôle nord magnétique se déplace en permanence comme le montre les images suivantes :

Variation au cours d’une journée

[Source image : lien cassé]

Trajet suivi par le pôle nord magnétique entre 1831 et 2001

[Source image]

En clair, ne nous fions pas toujours à notre boussole ! Il peut bien pointer vers l’Hémisphère Sud si l’on prend pas garde. Rassurez vous, si l’inversion est rapide du point de vue géologique, elle est longue pour l’Humain. Elle n’aura pas lieu avant quelques milliers d’années. A moins que nous ne sommes à terme de ces milliers d’années ?

*Hin hin*

Dossier: « Les pôles »
– Nord ou Sud ? Telle est la question
– Louée soit la magnétosphère !