Plisser les yeux permet de mieux comprendre

Mosaïques : CogitationsScience

jeudi 24 octobre 2013

Même si l’on me dit que je parle bien, je sais que j’ai une voix différente de celle des entendants. C’est ce que j’appelle parfois ma « voix sourde ». Très souvent, je me fais comprendre sans problème. Mais très souvent également, je remarque un phénomène intéressant : mon interlocuteur se met à plisser ses yeux et à rider son front. Parfois accompagné d’un rictus de la bouche pour les plus expressifs.

Hein ? Quoi ?

[Source image]

Les plus polis me demandent pardon, je n’ai pas très bien compris votre question tandis que les plus familiers n’hésitent pas à beugler heiiiiin à la chti. Le plus rigolo, c’est qu’ils ne s’en rendent même pas compte. Dès qu’ils me comprennent mieux, leur visage retrouve une expression plus normale. Et c’est reparti dans les moments d’incompréhension où ils doivent fournir un effort mental pour saisir mon charabia au milieu de ma bave et de mes postillons.

J’ai retrouvé ce phénomène dans d’autres situations : au téléphone, devant une personne qui chuchote, dans un environnement bruyant… Fatalement, je finis par me demander Pourquoi les gens plissent les yeux quand ils ne comprennent pas très bien ? Oh, oh, en voilà un sujet inédit !

En règle générale, nous sommes munis de cinq sens nous permettant de percevoir notre environnement. Chacun des sens occupe une certaine zone (ou aire) plus ou moins délimitée dans le cerveau. Il y a donc des délimitations dans l’espace et ce sont elles qui expliquent le phénomène des yeux plissés. Pour mieux comprendre, imaginons que les sens sont cantonnés dans un camembert où ils ne peuvent en sortir. Chez une personne parfaite, les cinq sens auraient une importance égale. Par conséquent, la zone d’occupation dans le camembert serait identique pour la vue, le toucher, le goût, l’ouïe et l’odorat.

Les cinq sens

Seulement, ce n’est jamais le cas. Nous avons toujours un sens qui prend le pas sur les autres. Dans mon cas, c’est la vue qui occupe une place essentielle, suivie du toucher. Ceci se fait au détriment de l’ouïe qui voit sa zone se réduire comme peau de chagrin.

Vision dominante

A l’inverse, une personne très auditive verra sa zone s’accroître au détriment de la vue et d’autres sens. Un peu comme pour les aveugles qui sont très sensibles au toucher. Ce n’est pas pour rien que téléphoner en voiture est interdit. Nous sommes moins concentrés à ce que nous voyons (le risque serait le même avec le kit libre).

Audition dominante

Il faut donc comprendre que chacun a son sens dominant mais les « frontières » entre les zones d’occupation ne sont pas fixes. Elles fluctuent en permanence selon la situation. Par exemple, quand je n’ai pas mes appareils auditifs, je perçois beaucoup mieux les vibrations. Dès que je les mets, ma sensibilité tactile diminue. Mon sens dominant reste pourtant la vision. J’utilise parfois cette propriété dans les concerts si je veux mieux sentir les vibrations de la batterie ou, à l’inverse, si je veux mieux entendre le banjo tout en me rinçant l’œil sur le beau corps de la chanteuse.

Pour revenir à la question, plisser les yeux revient donc à réduire la part de cette information au sein des perceptions sensorielles, au profit des informations sonores. D’ailleurs, certains vont jusqu’à fermer les yeux pour apprécier davantage la musique. Ceci est la première explication.

La deuxième vient du fait que nous lisons tous sur les lèvres. C’est mon principal mode de compréhension avec la LSF (langue des signes française) mais il est valable aussi chez les entendants à hauteur de 20% en moyenne. Inconsciemment, nous comprenons mieux en nous concentrant sur les expressions du visage et sur l’articulation de la bouche. En plissant les yeux, nous améliorons la perception des détails au centre du champ de vision. Ce qui revient à mieux lire sur les lèvres ou saisir les expressions. L’effort d’écoute est alors diminuée.

Et enfin, troisième explication : les indices visuels et auditifs sont aussi importants l’un que l’autre dans la compréhension de la parole. Parmi nos petites cellules grises, existent des neurones multisensoriels dont des neurones audiovisuels. Ils s’activent lorsque la personne entend son interlocuteur parler, mais aussi quand elle le voit bouger les lèvres. Ces neurones travaillent mieux quand ils disposent simultanément de ces deux entrées sensorielles, visuelles et auditives. Voilà pourquoi je lis beaucoup mieux sur les lèvres quand j’ai mes appareils auditifs ! Cela va aussi dans le sens des travaux de Pascal Barone sur la compréhension de la parole chez des personnes sourdes portant un implant cochléaire.

Par contre, je ne peux pas expliquer la formation du rictus chez certains personnes. Elles doivent être des primates tout simplement !

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6 Pierrot ont pris leur plume. Et toi ?

  1. Dalb

    formation du rictus chez certains personnes. Elles doivent être des primates tout simplement. En dehors de l’aspect négatif que vous donnez au rictus, c’est plus simplement une forme d’expression, très ancienne, et essentielle à la communication (ici non verbale) entre les hommes : l’expression gestuelle/corporelle !

    lundi 4 novembre 2013 à 14 h 02 min
  2. Sirtin

    Cela n’en reste pas moins une impression désagréable. Peut-être que cela remonte du temps où un rictus était un signe de menace ?

    mardi 5 novembre 2013 à 10 h 50 min
  3. Patrick

    et si… le fait de grimacer bloquait, en partie, le réseau musculaire nez-gorge et donc, en partie aussi, les sensations gout-odeur ?
    Ceci afin de mieux favoriser les autres sens, une crispation des mains au même moment pourrait aussi diminuer le sens du toucher ?
    bon, n’étant pas un spécialiste de la chose, ce ne sont que supputations gratuites.
    Il faudrait poser ces questions à un biolo-psyco-cognito-machin-chose (Stanislas Dehaene par expl )

    Amicalement
    Patrick

    PS, Bravo pour ton blog que je viens de découvrir
    Patrick

    jeudi 7 novembre 2013 à 21 h 32 min
  4. Sirtin

    Mais les sensations sont véhiculées par des nerfs, des terminaisons nerveuses et non par des fibres musculaires. C’est pourquoi, quand tu as mal, tu frottes la zone douloureuse ou tu la passes sous l’eau froide. Ben vi, les sensations du toucher et de la température vont plus vite que celles de la douleur et « bloquent » celle-ci.

    Si tu contractes tes muscles, tu ne verras aucune différence.
    😉

    jeudi 7 novembre 2013 à 22 h 37 min
  5. patrick

    j’avais, bien sur, intégré ceci à mon raisonnement 🙂
    je voulais seulement dire que le fait de grimacer contractait les muscles de l’arrière gorge/fosses nasales ( épithélium olfactif ), bloquait la respiration donc en partie l’odorat.
    le goût étant directement lié à l’odorat … Si ce que j’ai lu est exact, l’on sent aussi avec ses papilles gustatives et l’on goûte aussi avec son nez ( complémentarité sensorielle ).
    pour les mains, c’est plus  » capilotracté  » et j’avais  » conditionné  » 😉 😉

    Amicalement
    Patrick

    vendredi 8 novembre 2013 à 16 h 56 min
  6. Sirtin

    Comme tu dis, il vaudrait mieux s’adresser à un expert à la matière sinon je risque bien de dire des bêtises et j’en dis énormément déjà !
    😉

    vendredi 8 novembre 2013 à 18 h 20 min

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