Les pièges de la classification phylogénétique du vivant

Mosaïques : DossiersScience

mardi 5 mai 2009

Pour le blog Darwin, j’avais proposé mon dossier sur la classification phylogénétique du vivant, espérant faire mieux connaître les bases de la phylogénétique aux curieux lecteurs. Las ! La première partie du dossier était truffée d’erreurs, comme l’a justement signalé Taupo. S’ensuivit une discussion par mails qui a aboutit à un remaniement de la première partie dans le blog Darwin. Plutôt que faire les mêmes retouches dans mon blog, genre « ni vu, ni connu », j’ai préféré les mettre en avant et expliquer en quoi je me suis trompé. Ces erreurs portent surtout sur la notion de généalogie. Je conseille également à tous de lire le fichier PDF (2.17 Mo) : Comprendre la classification du vivant.

Article original et commentaires

Sirtin
La phylogénétique a pour but de comprendre l’histoire évolutive du vivant. Elle se base sur deux notions essentielles, stipulant que tous les êtres vivants :

  • ont des relations de parenté. C’est la phylogénie (qui est plus proche de qui ?).
  • descendent les uns des autres. C’est la généalogie (qui descend de qui ?).

La classification du vivant est représentée par des arbres phylogénétiques. Ce sont des arbres schématiques qui montrent les relations entre les entités vivantes, aux niveaux horizontaux (parenté) et verticaux (descendance).

Taupo
C’est faux. Il n’y a que des relations de parenté qui sont représentées dans un arbre phylogénétique. La descendance n’a un sens QUE si on est capable d’identifier un ancêtre. C’est cela qui permettrait de répondre à la question « qui descend de qui ». Lecointre et Leguyader (auteurs de l’excellent ouvrage Classification phylogénétique du vivant, édition BELIN) ont mis en garde sur le piège de la généalogie. Sans cette mise en garde cruciale, les lecteurs auront tendance à penser que des espèces actuelles ont donné naissance à d’autres espèces actuelles. C’est le combat d’un phylogénéticien de faire comprendre au public que la phrase « l’homme descend du singe » n’a pas de sens. L’homme appartient au groupe monophylétique des primates : l’espèce actuelle la plus proche de lui est le chimpanzé. L’espèce éteinte la plus proche de lui doit certainement être l’homme de Neandertal… Dire que l’homme descend de l’homme de Néandertal est également problématique.

Sirtin
Chacun des nœuds de l’arbre représente l’ancêtre commun hypothétique d’un groupe donné. L’ancêtre commun exclusif et la totalité de ses descendants connus forment un clade ou groupe monophylétique. Ainsi, l’arbre du vivant est un système de clades emboîtés à l’instar des poupées russes. Elle ne vise qu’à chercher la parenté entre les groupes frères et non leur ancêtre commun et exclusif qui reste impossible à identifier car hypothétique. La classification phylogénétique du vivant a chamboulé le système en profondeur. Par exemple, elle ne reconnaît plus les reptiles ni les poissons, ni les végétaux car ce ne sont pas des groupes monophylétiques. Ici, l’arbre est retourné donc au niveau vertical, ce sont les relations de parenté et au niveau horizontal, les relations de descendance.

Taupo
Lecointre et Leguyader insistent bien sur la distinction entre phylogénie et généalogie qui est essentielle dans le cadre de la démarche de classification du vivant. Trois points les distinguent :
1) Une généalogie permet de répondre à la question « qui descend de qui? ». La phylogénie permet de répondre à la question « qui est plus proche de qui ? », elle traduit des relations de parenté (des degrés relatifs d’apparentement).

2) Dans un arbre généalogique, les branches relient des individus bien identifiés : elles correspondent à des liens génétiques d’ancêtre à descendant. Dans un arbre phylogénétique, seule l’extrémité des branches porte des individus identifiés et les branches relient des ancêtres hypothétiques à ces individus. Elles portent les innovations évolutives produites par ces ancêtres. Chaque branche est à l’origine d’un groupe, et ces innovations constituent donc autant d’arguments qui définissent l’existence, la pertinence phylogénétique du groupe.

3) Déterminer une généalogie n’est possible, rappelons-le, que si l’on possède des données rétrospectives (des registres d’état civil pour les généalogies humaines). Une généalogie est donc une représentation directe du passé. La phylogénie utilise des données actuelles : à partir de la comparaison des différents descendants, elle s’emploie à reconstituer le passé. Même si , pour Darwin, il ne faisait pas de doute que le registre d’état civil permettant d’identifier individuellement les ancêtres resterait à jamais inaccessible, il employa le terme « généalogie ». En effet, lors de la parution de De l’origine des espèces en 1859, il ne disposait pas du mot « phylogénie », qui fut forgé plus tard par Ernst Haeckel, en 1866. Darwin parlait donc de « généalogie » comme nous parlerions aujourd’hui de « phylogénie ».

Sirtin
Les urodèles et les anoures constituent, par exemple, un groupe monophylétique car ils ont un ancêtre commun. En remontant un peu plus loin, nous avons un ancêtre commun aux urodèles, anoures et gymnophiores. Ces trois espèces constituent également un groupe monophylétique ou clade. Ce qui n’est pas le cas des « reptiles » qui ne prennent pas en compte les autres descendants : oiseaux et mammifères. Même chose pour les « poissons ».

Taupo
La formulation est maladroite car tous les êtres vivants ont un ancêtre commun, ils sont tous issus de LUCA : « Last Universal Common Ancestor » ou « dernier ancêtre commun universel ».

Corrections

La phylogénétique a pour but de comprendre l’histoire évolutive du vivant. Pour cela, elle repose sur deux règles fondamentales, stipulant que tous les êtres vivants :

  • ont des relations de parenté entre-eux. C’est la phylogénie (qui est plus proche de qui ?).
  • possèdent un ancêtre commun et ils sont donc tous descendants de cet ancêtre. C’est la généalogie (qui descend de qui ?).

La phylogénétique repose sur la représentation de la classification du vivant par des arbres phylogénétiques. Ce sont des arbres schématiques qui montrent uniquement les relations entre les entités vivantes. Chacun des nœuds de l’arbre représente l’ancêtre commun hypothétique d’un groupe donné. L’ancêtre commun exclusif et la totalité de ses descendants connus forment un clade ou groupe monophylétique. Ainsi, l’arbre du vivant est un système de clades emboîtés à l’instar des poupées russes. Elle ne vise qu’à chercher la parenté entre les groupes frères et non leur ancêtre commun et exclusif qui reste impossible à identifier car hypothétique. Il n’est donc pas question de généalogie qui n’a de sens que si nous sommes capables d’identifier les ancêtres, ce qui n’est pas le cas dans la phylogénétique. Cette classification du vivant a chamboulé le système en profondeur. Par exemple, elle ne reconnaît plus les reptiles ni les poissons, ni les végétaux car ce ne sont pas des groupes monophylétiques.

Les urodèles et les anoures constituent par exemple un groupe monophylétique : ils sont plus proches entre eux que de tout autre organisme représenté sur l’arbre. La descendance de leur dernier ancêtre commun n’a donné aucun animal pouvant appartenir à un autre groupe représenté sur l’arbre. En remontant un peu plus loin, nous avons un nœud qui représente le dernier ancêtre commun des urodèles, anoures et gymnophiones. Ces trois espèces constituent également un groupe monophylétique ou clade. Ce qui n’est pas le cas des « reptiles », un groupe dit paraphylétique qui regroupe seulement une partie de la descendance d’un ancêtre et exclue les oiseaux et les mammifères. Même chose pour les « poissons ».

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5 Pierrot ont pris leur plume. Et toi ?

  1. Bon j’ai un peu l’air d’être le chieur de service, mais la phylogénie est mon pain quotidien, alors je me suis un peu lâché. En tout cas on peut tous remarquer l’exemplaire intégrité du maître de ces lieux!

    mardi 5 mai 2009 à 14 h 19 min
  2. Sans chieur de service, pas d’améliorations.
    Non ?

    😈

    mercredi 6 mai 2009 à 19 h 33 min
  3. Médard

    En tous cas, respect !

    🙂

    mercredi 6 mai 2009 à 21 h 20 min
  4. C’est cela aussi la beauté d’internet : ce genre de discussion est publique, et donc chacun peut apprendre des petites imprécisions des autres. Une sorte d’essai/erreur collectif en somme…

    jeudi 7 mai 2009 à 2 h 59 min
  5. Et cela mène donc à l’émergence d’une intelligence collective supérieure ? A moins que ce soit tout bêtement la connerie ?
    :mrgreen:

    lundi 11 mai 2009 à 19 h 12 min

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