Une pensée à celle qui m’a donné un point de départ pour un nouveau sujet grâce à son commentaire suite à mon post sur la douleur. Dans cet article, les membres fantômes furent rapidement évoqués mais qu’est ce que c’est précisément ? A priori, rien de plus normal que de sentir son membre bouger, avoir mal ou ressentir des picotements. Quand ce même membre est amputé et n’existe plus physiquement, il prend un nouvelle vie et continue à émettre des signaux au cerveau. L’étrangeté survient alors au moment où la personne ressent une crampe ou a l’impression qu’il flotte, distinctement de son corps : ce sont les membres fantômes.

Les mécanismes ne sont pas clairement compris et il existe plusieurs points de vue mais avant tout il est important de distinguer la sensation fantôme (picotements, démangeaison…) de la douleur fantôme (crampe, élancements…) qui peut vite tourner en cauchemar. Distinction nécessaire quand on sait que le premier cas touche la quasi majorité des amputés, contrairement au deuxième cas (70% environ). Les causes peuvent être périphériques : réorganisation des nerfs, modification de la circulation sanguine, sensibilité excessive du moignon…

Cependant, aucune des ces propositions n’est satisfaisante en lui même. Une autre origine peut également intervenir : le cerveau lui même ! Depuis la naissance, il développe progressivement une image du corps en fonction des stimuli reçus. La disparition d’un membre entraîne une réorganisation des aires motrices du cerveau. Du moins en principe… Il arrive que le cerveau n’ait pas encore modifié sa représentation corporelle. Il s’attend à recevoir un stimulus du membre amputé, il n’en reçoit pas et il se retrouve dans la confusion au point de créer une illusion mentale qui serait à l’origine des sensations ou des douleurs fantômes.

J’espère ne pas avoir été trop simpliste car ce domaine est bien plus complexe que l’on croit. Je vous conseille vraiment de lire le livre du Dr Rachamadran, neurologue réputé : Le fantôme intérieur. Un bouquin qui présente des cas neurologiques extraordinaires où les mécanismes sont en jeu sont accessibles au profane. Entre autres, il propose sa théorie sur les membres fantômes.

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Précisons que les amputés de naissance (terme qui m’amuse puisqu’ils ne sont pas amputés dans ce cas précis) ne ressentent pas de douleurs fantômes. Ce qui va dans le sens d’une construction corporelle du cerveau. Par ailleurs, il est possible de contourner cette illusion grâce à la réalité virtuelle (voir liens plus bas). Rien de tel que l’illusion pour guérir de l’illusion !

Venons maintenant au cœur du commentaire qui est, rappelons, le point de départ de l’article :

Pour info, les acouphènes sont considérés comme des douleurs de membres fantômes (le membre fantôme ici est la cochlée qui marche pas bien, je ne sais pas si c’est une affirmation scientifique ou une hypothèse vraisemblable). Donc certains connaissent ce type de douleur sans avoir pourtant un membre amputé.

Je n’avais jamais considéré les acouphènes sous cet angle là. Ce sont des manifestations sous forme de sifflements ou de bourdonnements dans l’oreille. Chacun l’a ressenti au moins une fois dans sa vie suite à une fatigue ou un stress. Rien de plus énervant, non ? Comment réagissez vous si ce bruit continue en permanence, 24h/24h ? Là encore, il existe deux grands types d’acouphènes.

• Les acouphènes objectifs : très rares (moins de 3%) et liés à un bruit réel et mesurable. Ils peuvent donc être éventuellement entendu par une autre personne. Les causes sont multiples: anomalie dans la région de l’oreille interne, malformation vasculaire, contractions musculaires anormales de l’oreille moyenne…

• Les acouphènes subjectifs : représentent la grande majorité et ne peuvent êtres mesurables. Personne d’autre que le patient ne peut les entendre. Ce sont des véritables sons fantômes qui ne prennent réalité que dans leur système auditif ! Ils se développent suite à une exposition répétée d’une source sonore, à un traumatisme sonore brutal… Sans oublier le vieillissement et la perte auditive qui accompagne la majorité des acouphènes.

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Dans le cas subjectif, les acouphènes n’ont pas d’existence propre, aucune anomalie apparente ne peut être détectée. Les points communs et les différences avec les membres fantômes sont respectivement : la présence d’une illusion, ici auditive, et la présence de la cochlée donc aucun membre amputé. Là encore, il est possible que la cause viendrait des fonctions cognitives dans le traitement du son. Citons cet extrait :

Des chercheurs allemands pensent que certains sifflements dans l’oreille pourraient être générés par le cerveau, tout comme les douleurs fantômes ressenties par les personnes qui ont subi une amputation ou les personnes qui souffrent de douleur chronique.

Je n’en sais pas plus et je suis demandeur d’informations supplémentaires. Pour conclure, le cerveau, quel que soit sa complexité, ne peut être indissociable de son corps. Grâce à cette carcasse encombrante, il perçoit le monde et il construit progressivement une image environnementale et corporelle en fonction des stimuli. Il s’adapte en permanence et il est capable de réorganiser ses aires cérébrales quand le corps subit une modification : perte d’un sens, amputation…

Les couacs surviennent lorsque cette réorganisation n’a pas lieu ou ne se passe pas bien d’où les sensations et les douleurs fantômes. Ce sot encore des hypothèses mais je trouve que ce point de vue n’est pas à négliger. Après tout le cerveau créé ses propres illusions et comment pourrons nous affirmer avec certitude que ce que nous voyons, entendons, touchons, sentons, goutons constituent la réalité ? Ceci est une autre histoire…

Membres fantômes :
– Lorsque la réalité virtuelle soulage les « membres fantômes »

Acouphènes :
– France-acouphènes
– Acouphènes : le défi des bruits fantômes
– Le cycle infernal de l’acouphène