1. Laurent

   Ayant passé 2 mois dans une ONG locale qui combat l’excision en Sierra Leone et travaillant sur les données récoltées sur place pour une étude, je me dois de corriger deux graves erreurs de ce billet (oui, même s’il a 3 ans).

   Mais avant tout, une précision pour bien différencier les types de mutilations génitales féminines (MGF), car c’est malheureusement trop souvent le bordel dans ce qu’on peut lire sur le sujet. L’OMS en a défini 4, qui sont en partie graduels :

   Le type 1 est la clitoridectomie, c’est-à-dire l’ablation du clitoris.

   Le type 2 est l’excision, c’est-à-dire la clitoridectomie avec l’ablation des lèvres externes et/ou internes.

   Le type 3 est l’infibulation, c’est-à-dire le type 2 avec ablation totale des lèvres et une cicatrisation forcée qui referme ce qui reste.

   Le type 4 recouvre toutes les pratiques diverses plus ou moins graves : piercings, entailles, etc.

   De ces pratiques mutilatrices, l’excision et l’infibulation se retrouvent le plus dans le monde.

   Avant de lire le reste, garde bien en tête que ce qui est le plus important pour les Africains est de se marier et d’avoir des enfants. Cette remarque paraît stupide, mais vu notre état d’esprit sur la question il faut le rappeler.

   J’en suis si horrifié que je refuse de laisser la parole aux partisans de cette pratique barbare. Tous des hommes comme par hasard. Qui veulent contrôler la sexualité de leur femme. Qui refusent qu’elles puissent prendre leur pied avec ou sans eux…

   Je vais être sec : tu racontes n’importe quoi.

   Les personnes qui défendent plus que tout l’excision sont les femmes. Je m’explique.

   Le but des MGF est complexe. Ce sont tout d’abord des pratiques traditionnelles ancestrales et l’amalgame avec l’Islam est totalement injustifié – ceux qui en font un sont des menteurs, ni plus ni moins. La caractéristique principale des MGF est qu’elles sont perpétrées par les femmes, et les hommes n’ont que très exceptionnellement leur place dans une cérémonie mutilatrice (généralement pour maintenir une femme qui se débat). Ce sont donc les femmes qui reproduisent et entretiennent la coutume et il n’y a pas de remise en question de l’acte, même si elles en souffrent. Pourquoi ? Parce que la souffrance (hémorragies mortelles, infections, morts, etc.) n’est pas associée à la mutilation. Elle n’en est pas responsable.

   Cela paraît incroyable et pourtant, c’est logique à cause de ces raisons :

   1. Croyances (ex : une femme non excisée rendra un champ infertile si elle marche dessus ; elle trompera son mari) ;

   2. Sociales (ex : l’excision attribue une place à la femme dans la société ; en Sierra Leone chaque sexe a une ou plusieurs société(s) secrète(s) et celle des femmes est uniquement accessible aux femmes mutilées (95-100% en-dehors de Freetown) – si toutes les femmes en font partie et qu’elles y trouvent un lieu où les hommes n’ont pas leur place, pourquoi remettre en question ?) ;

   3. Familiales (ex : une femme non excisée aura du mal à mettre ses enfants au monde ; elle ne peut pas avoir d’enfants et ne peut pas se marier – critères fondamentaux !!!!!!)

   4. Hygiénique/beauté (ex : le sexe féminin peut être considéré comme laid, dégoûtant et honteux ; intériorisation de l’idée qu’on enlève la vulve puisqu’elle est laide)

   5. Rite de passage (c’est trop long à décrire ici, mais en gros : si je reprends l’exemple de la Sierra Leone, une femme ou une fille excisée est « initiée ». On parle d’initiation. La femme excisée est initiée, elle devient une vraie femme, indépendamment de ses règles. Elle est responsable de sa sexualité, même si elle a 5 ans.)

   6. Il y a encore d’autres trucs, mais c’est déjà l’essentiel.

   La mutilation est donc un gage de pureté à plusieurs niveaux. Pourquoi la considérer comme mauvaise ?

   Certes, individuellement, il y a des femmes qui se rendent compte de l’horreur de cette initiation, notamment lorsqu’elles voient tout le sang et la mort d’une personne (j’ai des témoignages dans mes données). Mais individuellement, elles ne peuvent pas faire grand-chose : le sujet est totalement tabou et ceux qui se rebellent sont exclus de leurs communautés. Ça entretient le cercle vicieux.

   Pour en venir aux hommes. Peut-être qu’ils ont introduit la pratique il y a des millénaires. Mais on n’en sait rien et ça n’a plus aucune importance. Si un homme va faire attention à marier une femme FGM, il ne faut pas oublier le rôle de la mère ! C’est elle qui va vérifier que la fille qui pourrait être la future épouse de son fils a bien toutes les caractéristiques « correctes » (en son sens) d’une « bonne » femme…

   Enfin la question du plaisir. Si je regarde mon étude, 42% des femmes ne savent pas si l’argument selon lequel les femmes non excisées ont plus de plaisir au lit que les femmes excisées est valide ou non (53% non, 4% oui). Et je te parle ici d’une communauté sensibilisée depuis des années aux problèmes de l’excision, donc dans les communautés « normales » le pourcentage devrait exploser.

   Je n’ai aucune donnée là-dessus, mais je pense que ces femmes ne se posent pas la question de la recherche du plaisir. C’est un raisonnement très « femme entière », car il n’existe pas de plaisir à cause des FGM (il y a des exceptions). Mais je te garantis que tous les mecs avec qui j’ai pu parler et qui ont eu des femmes non excisées dans leur lit m’ont dit pudiquement que « c’était différent » (donc bien mieux). En soi, ils ne sont pas contre la « normalité » quand ils sont au courant que les femmes peuvent être câlines. Pourquoi seraient-ils contre !?

   Dernière remarque :

   Au fait, tu savais qu’il y a des féministes africaines qui sont totalement conscientes des effets néfastes de ces pratiques et qui les font quand même subir à leurs filles pour protéger leur culture ?

   Voilà, désolé pour le pensum, mon ton arrogant et mon style prétentieux, mais mon sang n’a fait qu’un tour en lisant ton article. Ah, et je ne prétends pas détenir la science infuse, du moins pas sur ce sujet. 😀 😉

   Bien à toi,

   Laurent

   dimanche 14 août 2011 à 1 h 59 min
2. Sirtin

   Merci beaucoup pour ton commentaire très intéressant qui apporte un autre point de vue via ton expérience. Voilà de quoi apporter de l’eau au moulin et c’est bien le but des commentaires.
   😉

   dimanche 14 août 2011 à 12 h 47 min

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